• Par : Mohamed Arezki HIMEUR
    Liberté 31 décembre 2009

    Les demandes de réservation ont littéralement explosé cette année pour le réveillon à Tikjda, dont les structures s’avèrent inférieures à l’offre. Vivement la restauration du grand hôtel !

    ça se passe comme ça à Tikjda : le premier arrivé, le premier servi. Le téléphone du Centre national des sports et loisirs (CNSLT), qui gère cette station climatique depuis février dernier, n’arrête pas de carillonner. Le service chargé des réservations est submergé d’appels. Des dizaines chaque jour. Mais ils restent sans les résultats escomptés et souhaités. C’est-à-dire une réservation pour quelques jours à l’occasion de ces vacances d’hiver et de la fête de fin d’année.
    Des centaines de touristes et vacanciers, qui voudraient effectuer un court séjour et/ou réveillonner à Tikjda, à 1 478 mètres d’altitude, s’y sont pris en retard. Ils auraient dû prendre contact avec le centre bien avant. Car les capacités d’hébergement de la station sont nettement inférieures à la demande, encore plus importante cette année.
    La liste d’attente est très longue. Elle tourne autour d’un millier de noms ! “Nous aimerions répondre favorablement à toutes les demandes, malheureusement, on ne peut offrir que ce que compte la station comme capacités d’accueil”, dit, avec une pointe de regret, Mohand Amokrane Belkacemi, cadre chargé de la communication, l’homme orchestre du centre.
    Les capacités du CNSLT augmenteront de quelques deux cents lits supplémentaires l’année prochaine, après la réfection et la réhabilitation de l’hôtel Djurdjura incendié par les groupes terroristes en 1996.
    L’auberge Djurdjura et l’hôtel Tikjda affichent complets. Les deux cent vingt lits que comptent ces deux unités d’hébergement sont tous loués depuis le 18 décembre jusqu’au 2 janvier inclus. Le taux d’occupation est de cent pour cent. Il n’y a pas une seule chambre ou un seul lit de disponible.
    S’agissant du réveillon proprement dit, l’innovation, la trouvaille pour ainsi dire, vient du côté des cuisines. Les chefs cuisiniers et le responsable de la restauration ont décidé d’organiser un réveillon original. Le menu sera préparé, du cocktail à la bûche, en passant par l’entrée et le désert, aux couleurs nationales, à la gloire des Verts pour avoir décroché, de haute lutte, le ticket pour l’Afrique du Sud. Une façon de rendre un hommage appuyé aux protégés de Saâdane qui ont hissé l’équipe nationale au rang, tant convoité, des grandes équipes du football mondial.
    Le réveillon à Tikjda s’inscrit donc dans l’ambiance de fête et des réjouissances, encore vivace dans les esprits, de la qualification de l’équipe algérienne pour le Mondial 2010 en Afrique du Sud. “On veut nous aussi, à notre façon, participer et faire participer nos clients à cette fête”, a déclaré M. Lotfi Rachedi, chef de service restauration.

    Menu réveillon “Viva l’Algérie”

    Le programme d’animation et le menu s’inscrivent, de ce fait, dans l’esprit d’engouement et d’enthousiasme suscité par la qualification des Verts. Cette nuit-là, celle du réveillon bien entendu, le Djurdjura va vivre, à quelques jours du début de la Coupe d’Afrique, aux sons des “One, Two, Tree, Viva l’Algérie”. Une belle soirée en perspective pour accueillir, dans une ambiance familiale et conviviale, la nouvelle année. Les organisateurs ont prévu, aussi, de belles surprises au profit des éventuels clients nés le 31 décembre.
    Les enfants, qui seront certainement nombreux, ne sont pas oubliés. Une animation particulière est prévue pour eux, avec un violoniste et, éventuellement, un clown si les organisateurs arrivent à en dénicher un d’ici là. Le programme réveillon prévu à Tikjda, qui se déroulera en début de soirée jusqu’à l’aube, aura bien entendu “une touche locale, régionale”, selon M. Belkacemi. “Il se déroulera dans une ambiance chaleureuse et fraternelle”, ajoute-t-il. Des concerts de musique et de la danse non-stop sont au programme dans les salles de restauration de l’auberge Djurdjura et de l’hôtel Tikjda. Les responsables de la station voudraient que les clients repartent chez eux ravis et satisfaits, aussi bien au plan hébergement, restauration qu’animation. C’est le pari, l’objectif qu’ils se sont fixé. “C’est très important, parce que les gens viendront en famille”, dit M. Belkacemi.
    La station climatique de Tikjda attire des touristes, des vacanciers et des visiteurs de toutes les régions du pays. La plupart viennent en famille ou en groupe, tel que ce groupe d’Oranais trouvé sur les lieux le jour de notre passage, le 22 décembre. Ou encore cette bande d’étudiants de Boumerdès. Ils étaient sept en tout, venus pour un séjour de trois jours à près de 1 500 mètres d’altitude, “grâce à l’augmentation récente de notre bourse”, dit avec un large sourire Hakim Dahmane.
    Cet étudiant en génie électrique est agréablement “électrocuté” par Tikjda. Il est tombé fol amoureux du site. C’est la deuxième fois qu’il y séjourne. Il est revenu avec les mêmes camarades avec qui il avait découvert la station de Tikjda en décembre 2008. “On avait été ébloui par la beauté du site l’année dernière. On n’avait passé, malheureusement, qu’une seule nuit. Cette fois, on restera trois jours”, nous a-t-il confié.
    Cette bande de copains d’université ont programmé, pour leur court séjour, des randonnées à pied et en VTT ainsi que des visites de certains lieux, comme le plateau d’Aswel et les balcons du même nom qui surplombent, du haut de leurs 2 000 mètres d’altitude, une grande partie des villages de la wilaya de Tizi Ouzou, notamment ceux de Larba n’Ath Iraten, Ath Ouacif, les Ouadias et Ath Douala.

    La bourse et la belle vie

    Ces étudiants ont découvert Tikjda par hasard l’année dernière, en cherchant un endroit où réveillonner. “C’était partout complet. C’était aussi très cher par rapport à nos bourses d’étudiants. En cherchant un + bon plan réveillon+ sur internet, on est tombé sur Tikjda. On s’est dit : on tente l’aventure. On est jeunes, on part à l’aventure. C’est comme cela qu’on a découvert ce merveilleux site”, avoue  M. Dahmane. “Il est vrai qu’avant, cet endroit avait la mauvaise réputation d’absence de sécurité. Ce n’est pas le cas aujourd’hui”, estime-t-il.
    “Lors de notre premier séjour, l’année dernière, on avait été subjugué par le paysage. On s’était ressourcé, malgré le fait d’avoir passé juste une seule nuit”, enchaîne Mokrane Kessa, étudiant en mathématiques. “Depuis, on n’a pas cessé de parler autour de nous, à Boumerdès et à Alger, de ce beau site. On a même participé à un concours de photos. Les nôtres, celles qu’on avait prises ici, ont été bien classées”, note-t-il.
    Le groupe d’amis venait juste de débarquer. “C’est un séjour qu’on ne va pas regretter. On le sait d’avance”, renchérit Mehdi Tabet, lui aussi étudiant à Boumerdès. “L’année prochaine, on s’y prendra un peu plus tôt afin de réserver pour le réveillon”, ajoute-t-il.
    Tikjda est un endroit à recommander à ses amis, estime Mme Faïza. Elle est venue en famille pour un court séjour de trois jours. Elle était quelque peu déçue de n’avoir pas trouvé de neige, comme l’année dernière. “La neige est plus haut dans la montagne. On va essayer d’emmener les enfants demain matin pour la voir”, dira-t-elle.
    Mlle Sihem, elle-aussi, était quelque peu déçue par l’absence de la neige. Il est vrai qu’une montagne sans neige en hiver n’est plus une montagne. Elle était tout de même émerveillée de se trouver là, de voir ce beau paysage et ces cimes majestueuses qui s’offrent à ses yeux. “Franchement, je ne suis pas vraiment déçue. Je reviendrai l’année prochaine”, jure-t-elle. M. Chakib se souvient de son premier séjour, l’année dernière. “On avait un peu peur. On était monté vers Tikjda sous un épais brouillard. En arrivant, on avait découvert la station couverte de neige. L’accueil du personnel du centre et la présence d’un nombre important de touristes et de visiteurs nous avaient rassurés”, nous a-t-il confié.
    Puisque la neige manque à l’appel, pour l’instant du moins, M. Chakib et sa famille vont effectuer des randonnées pédestres dans la forêt et se lancer à la découverte de certains sites. Les balcons et le plateau d’Aswel vont certainement figurer au programme de leur séjour à Tikjda. “Franchement, c’est un site magnifique. Pour moi, c’est un endroit unique. Je pense revenir plus souvent”, martèle Ramdane Makour, un homme originaire de Tizi Ouzou, mais qui vit en France. C’est sa première visite, d’une journée, à Tikjda, en faisant un long détour par Thénia et les fameuses gorges de Palestro, aujourd’hui Lakhdaria. “Deux hautes murailles de rochers qui se dressent verticalement et forment des gorges sauvages d’un aspect vraiment pittoresque et grandiose”, peut-on lire sur la grande encyclopédie universelle (1885-1902).

    Tikjda, on y revient

    “Tikjda, on y revient”, pour paraphraser un célèbre slogan publicitaire d’une défunte chaîne de magasins parisiens. “Dommage qu’il n’y a pas de neige”, lâche Ramdane Makour, tout en contemplant, au loin, la montagne d’Aswel couverte, par endroits, d’une fine couche de neige. Mais l’hiver ne fait que commencer. Et le Djurdjura qui abrite la station climatique de Tikjda va se draper, comme tous les ans, depuis des siècles, de son burnous blanc.
    Le site attire aussi de plus en plus d’étrangers, notamment des Européens, des Arabes du Golfe et des Subsahariens. “Les gens viennent ici parce qu’ils ont constaté ou ont eu un écho, comme moi, que la sécurité existe dans la zone”, nous confiera un client originaire de l’Ouest algérien. “Durant la saison estivale, les clients effectuent des randonnées à travers la forêt jusqu’à une heure avancée de la nuit. À minuit, vous verrez des familles se balader, s’éloigner parfois jusqu’à huit kilomètres du centre.
    Les week-ends, Tikjda attire plus de 400 visiteurs par jour”, selon M. Belkacemi. Cette importante fréquentation des lieux “renseigne, donne un aperçu sur la situation sécuritaire. C’est sécurisé. Il n’y a pas de problème”, ajoute M. Rachedi.Tikjda a toujours été un site touristique apprécié. Autrefois, durant la période coloniale, il y avait un refuge hôtel très fréquenté, notamment par les alpinistes et les amateurs des randonnées pédestres. “Tel qu’il est placé, le refuge de Tikjda peut être considéré comme une véritable plaque tournante d’où partent maintes voies aboutissant à divers pics et sites du Djurdjura”, écrivait Afrique du Nord illustré dans l’une de ses éditions de l’été 1936.
    “La montée est assez raide, mais sûre, et la magnificence de la végétation la fait oublier. Dès que sont franchis les premiers rochers du sommet, le panorama se déroulant aux pieds des excursionnistes, récompense les efforts réalisés”, soulignait la revue. Cette appréciation, cette opinion sur Tikjda et la chaîne de montagnes du Djurdjura sont encore valables aujourd’hui. Un constat vérifiable. C’est à moins de trois heures de route d’Alger en voiture, en passant par Bouira et Haïzer.

     

    M.A.H

     

     


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  • Par : Mohamed Arezki HIMEUR
    Liberté – 16 décembre 2009

    Moments émouvants et touchants à la fois. Kamel Hamadi était ému de se retrouver, l’espace d’une journée, dans trois endroits qui ont marqué son enfance : l’école primaire d’Ath Saâda, la maison familiale et tajmat du village. Trois lieux, trois souvenirs et trois fortes émotions. “Je faisais 8 km par jour,  4 km à l’aller et 4 km au retour, à pied et pieds nus, en hiver comme en été, lorsque je fréquentais cette école. Cela remonte aux années 1940”, dit Kamel Hamadi devant le portail de l’école primaire d’Ath Saâda, à Yatafen, dans la wilaya de Tizi Ouzou.
    Bien sûr, l’établissement a beaucoup changé. Il s’est agrandi. Il compte aujourd’hui plusieurs salles de classe et un nombre plus élevé d’élèves, filles et garçons confondus. Kamel Hamadi fait quelques pas, contemple le voisinage et se retourne. “Même les alentours ont beaucoup changé. Avant, il n’y avait pas toutes ces maisons”, dit-il. Il revient sur ses traces d’enfance plus de  60 ans après pour les besoins d’un documentaire sur sa vie, son œuvre et son parcours artistique. Ce projet est porté à bout de bras par trois personnes qui ont pour point commun, entre autres l’amour de la culture en générale et de la chanson en particulier : Mohamed Berkani, Abderezzak Larbi Chérif et Ben Mohamed.
    Plus loin, à Ath Daoud, son village natal, l’émotion a été encore plus intense. Surtout lorsque l’artiste pénètre dans ce qui reste de la maison familiale. Une maison qui était coquette autrefois. Aujourd’hui, elle n’est que ruines. Cette bâtisse de son grand-père fut le refuge de moudjahidine pendant la guerre d’indépendance. Elle avait été incendiée et détruite par des militaires français après un violent accrochage avec des moudjahidine.
    À quelques mètres de là, tajmat. De ce lieu de rassemblement des villageois, après une dure journée de labeur, il ne reste qu’un petit banc à ciel ouvert, fait de pierres et de terre. Tajmat est devenue un tas de pierres.
    Ces trois endroits — l’école primaire, la maison familiale et tajmat — ont servi de décor naturel à des prises de vue pour les besoins du documentaire sur la vie et le parcours de Kamel Hamadi. Un artiste multiple, aux différentes facettes, plein de talent, qualifié par des spécialistes de bibliothèque vivante et de mémoire de la chanson algérienne. “C’est un monument historique vivant, c’est une institution à lui tout seul”, dit de lui Mohamed Berkani, le producteur et co-réalisateur du documentaire. Un documentaire qui a pour but de “combler un manque pour la mémoire collective”.
    Car, Kamel Hamadi, du haut de ses 73 ans, a énormément de choses à dire, à nous apprendre, à nous faire connaître et apprécier.
    Il porte en lui, dans son cœur, sa mémoire et ses archives personnelles, plus d’un demi-siècle de la mémoire de la chanson et de la musique algériennes, mais aussi maghrébines.
    Et le documentaire qui lui est consacré vise, justement, à faire la lumière sur ce pan important de l’histoire de la culture algérienne. Cela se fera à travers, notamment, des interviews avec les personnes qui l’ont connu et côtoyé, des artistes avec qui il a travaillé, des chanteurs (et chanteuses) et interprètes à qui il a écrit des chansons et/ou composé des musiques, des musicologues, des sociologues et des historiens.
    Kamel Hamadi a produit quelque 2 000 chansons interprétées par des chanteurs et chanteuses de renom, tels qu’El-Hadj M’hamed El-Anka, H’nifa, Lounis Aït Menguellet, Cheb Mami, Cheb Khaled et bien sûr son épouse Noura qui a obtenu, durant les années 1970, un disque d’Or. Noura et Slimane Azem sont les deux seuls chanteurs algériens à avoir décroché cette distinction pour avoir atteint ou dépassé le million de disques vendus.
    Kamel Hamadi, artiste prolifique, a aussi produit une multitude d’opérettes, de pièces de théâtre radiophoniques et animé, pendant quelques années, des émissions sur la musique à la Chaîne II de la radio algérienne.
    La naissance artistique de Kamel Hamadi a coïncidé, à une demi-douzaine d’années près, avec la création des émissions en langues arabe et kabyle (ELAK) à Alger, durant les années 1940. “Avec le documentaire sur cet artiste, c’est toute l’histoire de la chanson, de la radio et de l’émigration qui va ressurgir aussi”, dit le poète Ben Mohamed.
    L’apport de la chanson de l’émigration aux  jeunes émigrés d’origine maghrébine est important, relève-t-il. “Des groupes reprennent de plus en plus les anciennes chansons. C’est une façon pour eux de renouer avec leur identité d’origine, de retrouver leurs parents qui écoutaient ces chansons”, note Ben Mohamed.
    “Lorsqu’ils étaient jeunes, les enfants n’écoutaient pas les chants qu’écoutaient leurs parents. Ca ne les intéressait pas. Mais, maintenant que les parents sont vieux ou décédés, leurs enfants se sont rendus compte que la chanson de l’émigration jouait un rôle de lien entre eux et leurs parents”, estime-t-il.
    Au-delà de Kamel Hamadi, le documentaire de 52 minutes va tenter de montrer, de retracer et d’expliquer tous les aspects et toutes les facettes de la chanson et de la musique algériennes. Il sera fin prêt pour être présenté en mars prochain au Festival du film amazigh de Tizi Ouzou.
    Le 5 décembre, Kamel Hamadi a réuni, dans le cadre d’un programme dénommé “Carte blanche”, un plateau exceptionnel d’artistes algériens, mais aussi marocains et tunisiens, à la Cité de l’histoire de l’immigration à Paris.
    Le spectacle, animé par l’écrivain Abdelkader Bendameche, a drainé une grande foule. La salle était archicomble. De nombreux admirateurs de l’auteur de maghaven wid izawren sur la fuite des cerveaux, datant des premières années de l’indépendance, n’ont pu assister au spectacle faute de places.


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