• Abdelkader Bendameche : «La facilité a généré des conséquences négatives sur l’art»



    Interview réalisée par
    Mohamed Arezki Himeur

    Le Cap, revue bimensuelle, Alger


    Paroles d'un  spécialiste de la chanson chaâbie, producteur d'émissions radio et TV, et écrivain. Bendameche est également l'auteur du livre «Les grandes figures de l'Art musical algérien».

    Qu'est-ce qui pousse les chanteurs à verser dans le plagiat ?
    Un artiste verse dans le plagiat par mimétisme le plus souvent, par souci de succès rapide surtout. Il y a manque de paroliers et de compositeurs, certes, mais il y a aussi une tendance à raccourcir le processus de création musicale de la part des artistes.
    La facilité à produire rapidement est un élément apporté par le développement vertigineux des moyens  de production  dans ce domaine. Les créateurs ont  amorcé un recul face à cette déferlante technologique qui a ôté la sensibilité et l'émotion  à l'homme.

     
    Quelles
    sont les conséquences des reprises sur la création ?
    Le produit musical est devenu à la portée de n'importe quel utilisateur de cette nouvelle technologie. La qualité, par voie de conséquence, est  reléguée au second plan compte tenu de la demande du public de plus en plus croissante.
    Les gadgets appelés « live » sont souvent concoctés dans les studios d'enregistrement en l'absence du créateur compositeur, auteur, ou même du  vrai musicien. Le plagiat est une pâle copie de  l'œuvre originale de toute évidence et elle n'a jamais constitué un seul instant  l'art en lui-même.
    La propension à aller vers la facilité génère des conséquences négatives sur la création et sur l'art en général, mais comme dit l'adage populaire «chassez le naturel, il revient au galop».

    Que faire pour endiguer le phénomène ?
     Il n'y a pas de solution miracle dans ce domaine, notre pays a accusé un énorme retard quant à l'apprentissage musical d'une manière générale et à la formation en particulier. Cette dernière doit  se faire au sein des conservatoires, des écoles de musique, des associations, des festivals, des instituts régionaux et nationaux et, enfin, de  l'université. Elle doit se faire, également, au sein du programme des écoles primaires.
    Lorsqu'elle est inscrite dans des programmes pédagogiques officiels, la formation s'impose logiquement à tous, elle apportera un souffle au besoin et à la demande de  création. C'est une opération qui doit être  inscrite dans le moyen et le long terme.

    Que peuvent faire les auteurs et compositeurs, ou leurs ayants droit, pour protéger leurs droits ? Quelles démarches peuvent-ils entreprendre ?
     Il y a dans notre pays une grande institution qui s'appelle l'Office national du droit d'auteur et des droits voisins (ONDA) qui existe depuis 1973.
     L'ordonnance qui contient des dispositions législatives du droit voisin complétant le droit d'auteur est aussi en vigueur depuis 1997. Les auteurs et compositeurs régulièrement affiliés qui ont déclaré leurs œuvres, ou leurs ayants-droit, doivent se rapprocher de cette institution pour avoir toutes les indications nécessaires.
    La radio et la télévision peuvent-elles contribuer à la lutte contre les reprises et le plagiat ?
    Les médias lourds que sont la radio et la télévision peuvent intervenir par l'identification de l'?uvre  diffusée en annonçant, toutes les fois que possible, les véritables auteurs. Mais là il est supposé une connaissance parfaite du domaine et une articulation correcte des différentes phases qui précèdent la diffusion, ce qui n'est malheureusement pas le cas présentement.
    La télévision a commencé par prendre une décision, celle d'arrêter toute diffusion de chansons « robotisées » comme on dit dans le jargon du son. C'est tout à son honneur dans le souci de donner une écoute confortable au téléspectateur.
     
    Quel rôle peuvent jouer les éditeurs pour juguler ce phénomène?
    Les vrais éditeurs, oui. Mais on note par contre dans notre pays, qu'il règne dans la profession aujourd'hui une véritable cacophonie. L'édition musicale est un centre de diffusion de la culture par excellence, car, faut-il le rappeler, la musique est un moyen d'expression culturelle avéré.
    Le patron de cette institution et tout le staff qui l'entoure doivent avoir une connaissance parfaite du domaine. Ils sont tenus de constituer une sorte de digue, de filtre contre les invasions des multiples opportunistes qui prennent indûment le terrain, sanctionnant ainsi la bonne écoute du citoyen et dénaturant l'histoire musicale si riche de notre pays. 

     

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