• Par : Mohamed Arezki Himeur
    Liberté, 22 février 2010

     

    Heureuses retrouvailles, samedi après-midi, entre le chanteur Lounis Aït Menguellet et ses admirateurs, anciens et nouveaux. Son concert a drainé un public nombreux.
    Ses fans se sont déplacés en masse pour voir le barde sur scène, écouter et apprécier ses œuvres, dans une ambiance parfois survoltée mais conviviale, marquée par des youyous et des applaudissements nourris.
    La salle Atlas était pleine à craquer. Beaucoup de spectateurs sont retournés bredouilles. Ils n’ont pas pu assister au concert faute de places. Les plus chanceux, ceux qui ont réussi à dénicher une place, ont été comblés.
    Voulu ou pas, le choix des chansons interprétées, entamé avec Tajra ilili, a permis de retracer à grands traits l’itinéraire de l’artiste depuis ses premiers pas dans la chanson kabyle, au milieu des années 1960. Kamel Hamadi, son compositeur au début de sa carrière artistique, et le poète Ben Mohamed, tous deux vivant en France, étaient présents au concert, à l’invitation du chanteur.
    Lounis Aït Menguellet a réuni, pendant deux heures et demie, trois générations d’admirateurs, du grand-père ou de la grand-mère aux petits-enfants. Une belle image ! “C’est véritablement un régal de retrouver le public habituel et une nouvelle génération de spectateurs”, dira le chanteur à la fin du concert.
    Les jeunes nés en 1991, année de ses spectacles mouvementés dans cette même salle Atlas, ont aujourd’hui 19 ans. Il a été ravi de voir des jeunes de cette tranche d’âge dans la salle. “Vraiment, cela fait très chaud au cœur. Cela m’a aidé à avoir plus d’énergie et m’encourage à faire plus et mieux. Pour moi, c’est la véritable récompense. Même la fatigue disparaît. J’ai l’impression qu’ils me communiquent leur jeunesse. C’est fantastique ! C’est véritablement une fontaine de Jouvence”, nous a-t-il confié.
    Il estime qu’il y a une transmission de l’amour, de l’affection que portent les parents à leurs enfants. Les parents ont su transmettre, communiquer à leur progéniture ce qu’ils ressentent, ce qu’ils ont ressenti eux-mêmes en écoutant les chansons de Lounis Aït Menguellet.

    Admirateurs de père en fils

    Le chanteur ne pense pas que ce soit les chansons elles-mêmes qui se sont imposées aux jeunes, comme ça, par hasard. Les parents ont joué un grand rôle en mettant l’accent sur l’importance du texte, en incitant, directement ou indirectement, leur progéniture à écouter attentivement les œuvres de leur idole. Et les enfants découvrent, par la suite, qu’il y a des paroles à écouter, à comprendre et aussi à méditer. “Ce qui prouve qu’il y a une communication extraordinaire entre les générations”, note Aït Menguellet.
    Un groupe de jeunes adolescents, justement, ont brandi dans la salle, à quelques mètres du chanteur, une banderole sur laquelle on pouvait apercevoir les photos, côté à côte, de Lounis Aït Menguellet et de Matoub Lounès. Un beau symbole. Un bel hommage pour les deux artistes qui ont marqué, chacun à sa manière, la chanson kabyle.
    Le prochain album ? “Il sortira dans le meilleur des cas, si tout se passe bien, d’ici le début de l’été. Je ferai tout mon possible pour qu’il sorte au maximum au mois de juin”, confesse le chanteur. Le contenu ? Motus et bouche cousue. L’une des chansons de l’album renferme une “anecdote savoureuse et significative”, tirée d’une blague que Ben Mohamed lui avait envoyée via internet. “Une blague qui avait déclenché en moi quelque chose qui a épaté Ben. Et pour épater Ben, ce n’est pas facile”, dira-t-il en souriant.
    Les spectateurs présents au concert ont exprimé le souhait de voir la salle Atlas renouer avec les spectacles d’antan. “Une belle salle comme celle-ci, agréablement retapée, offrant toutes les commodités, ne doit pas rester fermée. Bien au contraire, elle doit offrir régulièrement des spectacles. Surtout qu’elle est située dans un quartier populaire, le quartier le plus animé d’Alger”, relèvent-ils.

     

     


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  • Par : Mohamed Arezki HIMEUR
    Liberté 31 décembre 2009

    Les demandes de réservation ont littéralement explosé cette année pour le réveillon à Tikjda, dont les structures s’avèrent inférieures à l’offre. Vivement la restauration du grand hôtel !

    ça se passe comme ça à Tikjda : le premier arrivé, le premier servi. Le téléphone du Centre national des sports et loisirs (CNSLT), qui gère cette station climatique depuis février dernier, n’arrête pas de carillonner. Le service chargé des réservations est submergé d’appels. Des dizaines chaque jour. Mais ils restent sans les résultats escomptés et souhaités. C’est-à-dire une réservation pour quelques jours à l’occasion de ces vacances d’hiver et de la fête de fin d’année.
    Des centaines de touristes et vacanciers, qui voudraient effectuer un court séjour et/ou réveillonner à Tikjda, à 1 478 mètres d’altitude, s’y sont pris en retard. Ils auraient dû prendre contact avec le centre bien avant. Car les capacités d’hébergement de la station sont nettement inférieures à la demande, encore plus importante cette année.
    La liste d’attente est très longue. Elle tourne autour d’un millier de noms ! “Nous aimerions répondre favorablement à toutes les demandes, malheureusement, on ne peut offrir que ce que compte la station comme capacités d’accueil”, dit, avec une pointe de regret, Mohand Amokrane Belkacemi, cadre chargé de la communication, l’homme orchestre du centre.
    Les capacités du CNSLT augmenteront de quelques deux cents lits supplémentaires l’année prochaine, après la réfection et la réhabilitation de l’hôtel Djurdjura incendié par les groupes terroristes en 1996.
    L’auberge Djurdjura et l’hôtel Tikjda affichent complets. Les deux cent vingt lits que comptent ces deux unités d’hébergement sont tous loués depuis le 18 décembre jusqu’au 2 janvier inclus. Le taux d’occupation est de cent pour cent. Il n’y a pas une seule chambre ou un seul lit de disponible.
    S’agissant du réveillon proprement dit, l’innovation, la trouvaille pour ainsi dire, vient du côté des cuisines. Les chefs cuisiniers et le responsable de la restauration ont décidé d’organiser un réveillon original. Le menu sera préparé, du cocktail à la bûche, en passant par l’entrée et le désert, aux couleurs nationales, à la gloire des Verts pour avoir décroché, de haute lutte, le ticket pour l’Afrique du Sud. Une façon de rendre un hommage appuyé aux protégés de Saâdane qui ont hissé l’équipe nationale au rang, tant convoité, des grandes équipes du football mondial.
    Le réveillon à Tikjda s’inscrit donc dans l’ambiance de fête et des réjouissances, encore vivace dans les esprits, de la qualification de l’équipe algérienne pour le Mondial 2010 en Afrique du Sud. “On veut nous aussi, à notre façon, participer et faire participer nos clients à cette fête”, a déclaré M. Lotfi Rachedi, chef de service restauration.

    Menu réveillon “Viva l’Algérie”

    Le programme d’animation et le menu s’inscrivent, de ce fait, dans l’esprit d’engouement et d’enthousiasme suscité par la qualification des Verts. Cette nuit-là, celle du réveillon bien entendu, le Djurdjura va vivre, à quelques jours du début de la Coupe d’Afrique, aux sons des “One, Two, Tree, Viva l’Algérie”. Une belle soirée en perspective pour accueillir, dans une ambiance familiale et conviviale, la nouvelle année. Les organisateurs ont prévu, aussi, de belles surprises au profit des éventuels clients nés le 31 décembre.
    Les enfants, qui seront certainement nombreux, ne sont pas oubliés. Une animation particulière est prévue pour eux, avec un violoniste et, éventuellement, un clown si les organisateurs arrivent à en dénicher un d’ici là. Le programme réveillon prévu à Tikjda, qui se déroulera en début de soirée jusqu’à l’aube, aura bien entendu “une touche locale, régionale”, selon M. Belkacemi. “Il se déroulera dans une ambiance chaleureuse et fraternelle”, ajoute-t-il. Des concerts de musique et de la danse non-stop sont au programme dans les salles de restauration de l’auberge Djurdjura et de l’hôtel Tikjda. Les responsables de la station voudraient que les clients repartent chez eux ravis et satisfaits, aussi bien au plan hébergement, restauration qu’animation. C’est le pari, l’objectif qu’ils se sont fixé. “C’est très important, parce que les gens viendront en famille”, dit M. Belkacemi.
    La station climatique de Tikjda attire des touristes, des vacanciers et des visiteurs de toutes les régions du pays. La plupart viennent en famille ou en groupe, tel que ce groupe d’Oranais trouvé sur les lieux le jour de notre passage, le 22 décembre. Ou encore cette bande d’étudiants de Boumerdès. Ils étaient sept en tout, venus pour un séjour de trois jours à près de 1 500 mètres d’altitude, “grâce à l’augmentation récente de notre bourse”, dit avec un large sourire Hakim Dahmane.
    Cet étudiant en génie électrique est agréablement “électrocuté” par Tikjda. Il est tombé fol amoureux du site. C’est la deuxième fois qu’il y séjourne. Il est revenu avec les mêmes camarades avec qui il avait découvert la station de Tikjda en décembre 2008. “On avait été ébloui par la beauté du site l’année dernière. On n’avait passé, malheureusement, qu’une seule nuit. Cette fois, on restera trois jours”, nous a-t-il confié.
    Cette bande de copains d’université ont programmé, pour leur court séjour, des randonnées à pied et en VTT ainsi que des visites de certains lieux, comme le plateau d’Aswel et les balcons du même nom qui surplombent, du haut de leurs 2 000 mètres d’altitude, une grande partie des villages de la wilaya de Tizi Ouzou, notamment ceux de Larba n’Ath Iraten, Ath Ouacif, les Ouadias et Ath Douala.

    La bourse et la belle vie

    Ces étudiants ont découvert Tikjda par hasard l’année dernière, en cherchant un endroit où réveillonner. “C’était partout complet. C’était aussi très cher par rapport à nos bourses d’étudiants. En cherchant un + bon plan réveillon+ sur internet, on est tombé sur Tikjda. On s’est dit : on tente l’aventure. On est jeunes, on part à l’aventure. C’est comme cela qu’on a découvert ce merveilleux site”, avoue  M. Dahmane. “Il est vrai qu’avant, cet endroit avait la mauvaise réputation d’absence de sécurité. Ce n’est pas le cas aujourd’hui”, estime-t-il.
    “Lors de notre premier séjour, l’année dernière, on avait été subjugué par le paysage. On s’était ressourcé, malgré le fait d’avoir passé juste une seule nuit”, enchaîne Mokrane Kessa, étudiant en mathématiques. “Depuis, on n’a pas cessé de parler autour de nous, à Boumerdès et à Alger, de ce beau site. On a même participé à un concours de photos. Les nôtres, celles qu’on avait prises ici, ont été bien classées”, note-t-il.
    Le groupe d’amis venait juste de débarquer. “C’est un séjour qu’on ne va pas regretter. On le sait d’avance”, renchérit Mehdi Tabet, lui aussi étudiant à Boumerdès. “L’année prochaine, on s’y prendra un peu plus tôt afin de réserver pour le réveillon”, ajoute-t-il.
    Tikjda est un endroit à recommander à ses amis, estime Mme Faïza. Elle est venue en famille pour un court séjour de trois jours. Elle était quelque peu déçue de n’avoir pas trouvé de neige, comme l’année dernière. “La neige est plus haut dans la montagne. On va essayer d’emmener les enfants demain matin pour la voir”, dira-t-elle.
    Mlle Sihem, elle-aussi, était quelque peu déçue par l’absence de la neige. Il est vrai qu’une montagne sans neige en hiver n’est plus une montagne. Elle était tout de même émerveillée de se trouver là, de voir ce beau paysage et ces cimes majestueuses qui s’offrent à ses yeux. “Franchement, je ne suis pas vraiment déçue. Je reviendrai l’année prochaine”, jure-t-elle. M. Chakib se souvient de son premier séjour, l’année dernière. “On avait un peu peur. On était monté vers Tikjda sous un épais brouillard. En arrivant, on avait découvert la station couverte de neige. L’accueil du personnel du centre et la présence d’un nombre important de touristes et de visiteurs nous avaient rassurés”, nous a-t-il confié.
    Puisque la neige manque à l’appel, pour l’instant du moins, M. Chakib et sa famille vont effectuer des randonnées pédestres dans la forêt et se lancer à la découverte de certains sites. Les balcons et le plateau d’Aswel vont certainement figurer au programme de leur séjour à Tikjda. “Franchement, c’est un site magnifique. Pour moi, c’est un endroit unique. Je pense revenir plus souvent”, martèle Ramdane Makour, un homme originaire de Tizi Ouzou, mais qui vit en France. C’est sa première visite, d’une journée, à Tikjda, en faisant un long détour par Thénia et les fameuses gorges de Palestro, aujourd’hui Lakhdaria. “Deux hautes murailles de rochers qui se dressent verticalement et forment des gorges sauvages d’un aspect vraiment pittoresque et grandiose”, peut-on lire sur la grande encyclopédie universelle (1885-1902).

    Tikjda, on y revient

    “Tikjda, on y revient”, pour paraphraser un célèbre slogan publicitaire d’une défunte chaîne de magasins parisiens. “Dommage qu’il n’y a pas de neige”, lâche Ramdane Makour, tout en contemplant, au loin, la montagne d’Aswel couverte, par endroits, d’une fine couche de neige. Mais l’hiver ne fait que commencer. Et le Djurdjura qui abrite la station climatique de Tikjda va se draper, comme tous les ans, depuis des siècles, de son burnous blanc.
    Le site attire aussi de plus en plus d’étrangers, notamment des Européens, des Arabes du Golfe et des Subsahariens. “Les gens viennent ici parce qu’ils ont constaté ou ont eu un écho, comme moi, que la sécurité existe dans la zone”, nous confiera un client originaire de l’Ouest algérien. “Durant la saison estivale, les clients effectuent des randonnées à travers la forêt jusqu’à une heure avancée de la nuit. À minuit, vous verrez des familles se balader, s’éloigner parfois jusqu’à huit kilomètres du centre.
    Les week-ends, Tikjda attire plus de 400 visiteurs par jour”, selon M. Belkacemi. Cette importante fréquentation des lieux “renseigne, donne un aperçu sur la situation sécuritaire. C’est sécurisé. Il n’y a pas de problème”, ajoute M. Rachedi.Tikjda a toujours été un site touristique apprécié. Autrefois, durant la période coloniale, il y avait un refuge hôtel très fréquenté, notamment par les alpinistes et les amateurs des randonnées pédestres. “Tel qu’il est placé, le refuge de Tikjda peut être considéré comme une véritable plaque tournante d’où partent maintes voies aboutissant à divers pics et sites du Djurdjura”, écrivait Afrique du Nord illustré dans l’une de ses éditions de l’été 1936.
    “La montée est assez raide, mais sûre, et la magnificence de la végétation la fait oublier. Dès que sont franchis les premiers rochers du sommet, le panorama se déroulant aux pieds des excursionnistes, récompense les efforts réalisés”, soulignait la revue. Cette appréciation, cette opinion sur Tikjda et la chaîne de montagnes du Djurdjura sont encore valables aujourd’hui. Un constat vérifiable. C’est à moins de trois heures de route d’Alger en voiture, en passant par Bouira et Haïzer.

     

    M.A.H

     

     


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  • Par : Mohamed Arezki HIMEUR
    Liberté – 16 décembre 2009

    Moments émouvants et touchants à la fois. Kamel Hamadi était ému de se retrouver, l’espace d’une journée, dans trois endroits qui ont marqué son enfance : l’école primaire d’Ath Saâda, la maison familiale et tajmat du village. Trois lieux, trois souvenirs et trois fortes émotions. “Je faisais 8 km par jour,  4 km à l’aller et 4 km au retour, à pied et pieds nus, en hiver comme en été, lorsque je fréquentais cette école. Cela remonte aux années 1940”, dit Kamel Hamadi devant le portail de l’école primaire d’Ath Saâda, à Yatafen, dans la wilaya de Tizi Ouzou.
    Bien sûr, l’établissement a beaucoup changé. Il s’est agrandi. Il compte aujourd’hui plusieurs salles de classe et un nombre plus élevé d’élèves, filles et garçons confondus. Kamel Hamadi fait quelques pas, contemple le voisinage et se retourne. “Même les alentours ont beaucoup changé. Avant, il n’y avait pas toutes ces maisons”, dit-il. Il revient sur ses traces d’enfance plus de  60 ans après pour les besoins d’un documentaire sur sa vie, son œuvre et son parcours artistique. Ce projet est porté à bout de bras par trois personnes qui ont pour point commun, entre autres l’amour de la culture en générale et de la chanson en particulier : Mohamed Berkani, Abderezzak Larbi Chérif et Ben Mohamed.
    Plus loin, à Ath Daoud, son village natal, l’émotion a été encore plus intense. Surtout lorsque l’artiste pénètre dans ce qui reste de la maison familiale. Une maison qui était coquette autrefois. Aujourd’hui, elle n’est que ruines. Cette bâtisse de son grand-père fut le refuge de moudjahidine pendant la guerre d’indépendance. Elle avait été incendiée et détruite par des militaires français après un violent accrochage avec des moudjahidine.
    À quelques mètres de là, tajmat. De ce lieu de rassemblement des villageois, après une dure journée de labeur, il ne reste qu’un petit banc à ciel ouvert, fait de pierres et de terre. Tajmat est devenue un tas de pierres.
    Ces trois endroits — l’école primaire, la maison familiale et tajmat — ont servi de décor naturel à des prises de vue pour les besoins du documentaire sur la vie et le parcours de Kamel Hamadi. Un artiste multiple, aux différentes facettes, plein de talent, qualifié par des spécialistes de bibliothèque vivante et de mémoire de la chanson algérienne. “C’est un monument historique vivant, c’est une institution à lui tout seul”, dit de lui Mohamed Berkani, le producteur et co-réalisateur du documentaire. Un documentaire qui a pour but de “combler un manque pour la mémoire collective”.
    Car, Kamel Hamadi, du haut de ses 73 ans, a énormément de choses à dire, à nous apprendre, à nous faire connaître et apprécier.
    Il porte en lui, dans son cœur, sa mémoire et ses archives personnelles, plus d’un demi-siècle de la mémoire de la chanson et de la musique algériennes, mais aussi maghrébines.
    Et le documentaire qui lui est consacré vise, justement, à faire la lumière sur ce pan important de l’histoire de la culture algérienne. Cela se fera à travers, notamment, des interviews avec les personnes qui l’ont connu et côtoyé, des artistes avec qui il a travaillé, des chanteurs (et chanteuses) et interprètes à qui il a écrit des chansons et/ou composé des musiques, des musicologues, des sociologues et des historiens.
    Kamel Hamadi a produit quelque 2 000 chansons interprétées par des chanteurs et chanteuses de renom, tels qu’El-Hadj M’hamed El-Anka, H’nifa, Lounis Aït Menguellet, Cheb Mami, Cheb Khaled et bien sûr son épouse Noura qui a obtenu, durant les années 1970, un disque d’Or. Noura et Slimane Azem sont les deux seuls chanteurs algériens à avoir décroché cette distinction pour avoir atteint ou dépassé le million de disques vendus.
    Kamel Hamadi, artiste prolifique, a aussi produit une multitude d’opérettes, de pièces de théâtre radiophoniques et animé, pendant quelques années, des émissions sur la musique à la Chaîne II de la radio algérienne.
    La naissance artistique de Kamel Hamadi a coïncidé, à une demi-douzaine d’années près, avec la création des émissions en langues arabe et kabyle (ELAK) à Alger, durant les années 1940. “Avec le documentaire sur cet artiste, c’est toute l’histoire de la chanson, de la radio et de l’émigration qui va ressurgir aussi”, dit le poète Ben Mohamed.
    L’apport de la chanson de l’émigration aux  jeunes émigrés d’origine maghrébine est important, relève-t-il. “Des groupes reprennent de plus en plus les anciennes chansons. C’est une façon pour eux de renouer avec leur identité d’origine, de retrouver leurs parents qui écoutaient ces chansons”, note Ben Mohamed.
    “Lorsqu’ils étaient jeunes, les enfants n’écoutaient pas les chants qu’écoutaient leurs parents. Ca ne les intéressait pas. Mais, maintenant que les parents sont vieux ou décédés, leurs enfants se sont rendus compte que la chanson de l’émigration jouait un rôle de lien entre eux et leurs parents”, estime-t-il.
    Au-delà de Kamel Hamadi, le documentaire de 52 minutes va tenter de montrer, de retracer et d’expliquer tous les aspects et toutes les facettes de la chanson et de la musique algériennes. Il sera fin prêt pour être présenté en mars prochain au Festival du film amazigh de Tizi Ouzou.
    Le 5 décembre, Kamel Hamadi a réuni, dans le cadre d’un programme dénommé “Carte blanche”, un plateau exceptionnel d’artistes algériens, mais aussi marocains et tunisiens, à la Cité de l’histoire de l’immigration à Paris.
    Le spectacle, animé par l’écrivain Abdelkader Bendameche, a drainé une grande foule. La salle était archicomble. De nombreux admirateurs de l’auteur de maghaven wid izawren sur la fuite des cerveaux, datant des premières années de l’indépendance, n’ont pu assister au spectacle faute de places.


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  • Reportage: Mohamed Arezki Himeur
    Le Cap, bimensuel, 1er août 2009, Alger


    La culture algérienne est présente, timidement il est vrai, en Allemagne. Elle est portée à bout de bras par une poignée de personnes, en majorité des compatriotes (et leurs conjointes allemandes) qui ont jeté l’ancre dans ce pays mais qui gardent encore, doit-on le souligner, l’Algérie dans les tripes.
    Des ressortissants allemands figurent aussi parmi ceux qui oeuvrent pour la promotion de la culture algérienne dans leur pays. Ses promoteurs, armés de leur seule bonne volonté, se démènent comme ils le peuvent pour faire connaître, découvrir et apprécier les différentes facettes culturelles de l’Algérie, en organisant des conférences, séminaires, tables-rondes, expositions, concerts de musiques et récitals de poésie.
    A Berlin, ces activités sont organisées, entre autres, par l’association Yedd (la main), les chanteurs Mokhtar Mechaï et Lamine Belaâla et leurs groupes de musiciens respectifs, le poète Boumédiène Missoum et le conteur Arezki Keddam. Ils sont presque seuls sur la place à oeuvrer pour faire connaître la culture algérienne.
    Le but de l’association Yedd est de promouvoir les échanges culturels et de rapprocher les artistes et les hommes de cultures algériens et allemands. Elle se propose de développer et d’encourager toute initiative allant dans ce sens. «A travers nos expositions, lectures, présentations de films et manifestations culturelles, nous visons une perception plus objective de l’Algérie», souligne sa présidente, Mme Christine Belakhdar, dans la présentation de l’association. Yedd a déjà plusieurs initiatives à son actif : des expositions, conférences et rencontres avec des écrivains et artistes algériens organisées grâce au dévouement et aux sacrifices de ses membres.
    «Les Allemands apprécient la musique kabyle. Ils viennent chaque fois plus nombreux aux soirées musicales que j’anime à Berlin», nous a confié Mokhtar Mechaï. Ce jeune homme, originaire d’El-Kseur (Béjaïa), est installé à Berlin depuis 1995. Il a créé un groupe de musique moderne avec des musiciens originaires de différentes régions d’Algérie.
    Tout en travaillant pour subvenir aux besoins de leurs familles, Mokhtar et les autres éléments de son groupe organisent régulièrement des soirées artistiques dans certains restaurants et salles de spectacles de la capitale allemande. Ils ont participé à une manifestation qu’on appelle la Fête de la rue et assurée une belle prestation musicale à la Maison des cultures du monde de Berlin.
    M. Mechaï est venu à la chanson par un pur hasard. «Comme je joue de la musique, des compatriotes m’ont poussé et encouragé à chanter, à animer des soirées. C’est comme ça que je suis devenu chanteur», dira-t-il. Son premier gala remonte à quatre ans. Il l’avait animé à Isotop, un restaurant qui fait aussi office de galerie d’exposition tenu par un Iranien, dans le coeur de Berlin. C’est lui qui avait inauguré les spectacles dans cet établissement.

    La culture rapproche les émigrés algériens et les communautés

    M. Mechaï interprète des chansons kabyles, chaâbi et raï. Ses concerts permettent de rassembler, l’espace d’une soirée, les algériens vivants à Berlin. La communauté algérienne établie dans cette ville et ses alentours est estimée à quelques 3.000 personnes, sans compter les «clandestins», ceux qu’on appelle les «harraga», qui sont, eux aussi, assez nombreux dans la ville. M. Mechaï envisage de se produire dans d’autres villes d’Allemagne. «J’ai reçu plusieurs invitations de compatriotes installés notamment à Frankfurt, Hambourg etc.», nous a-t-il confié.
    L’établissement Isotop envisage d’organiser une série de soirées pour faire connaître tous les genres musicaux algériens. Le 8 mai 2009 a été consacré au malouf. Le concert a été animé dans une petite salle sympathique par Lamine Belaâla et son frère Mérouane, venu spécialement de France pour la circonstance, ainsi que par Réda Bendib. Des soirées kabyles, algéroises, oranaises etc. sont au programme à Isotop, selon Lamine Belaâla.
    Boumédiène Missoum est porté sur la poésie. Il avait lu quelques poèmes de sa production à l’ouverture du concert de musique malouf animée par Lamine Belaâla et son groupe. 
    Licencié en littérature arabe, enseignant de grammaire arabe lorsqu’il était en Algérie, Arezki Keddam s’intéresse, lui, plutôt aux contes. Il en a traduit deux de l’allemand vers le kabyle. Il anime régulièrement lui aussi, avec son épouse, une allemande, des lectures de contes simultanément en kabyle et en allemand.
    Ses travaux de recherches lui ont permis d’acquérir, à un prix fort, trois ouvrages de contes kabyles traduits en allemand entre 1920 et 1922 par Leo Viktor Frobenius qui avait séjourné en Kabylie. Cet ethnologue allemand était l’un des premiers chercheurs du vieux continent à contester l’idée selon laquelle les peuples africains vivaient comme des sauvages et que la colonisation leur avait apporté la civilisation.
    C’est cette idée saugrenue que certains politiques français ont tenté de remettre au goût du jour à travers le fameux article 4 de la loi du 23 février 2005 louant «les bienfaits de la colonisation française» en Afrique du Nord.

    M. A. H.


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  • Reportage: Mohamed Arezki Himeur
    Le Cap, bimensuel, Alger


    Nante est toujours là. Son passé, ses histoires, sa bonhomie, ses commentaires parfois caustiques, corrosifs, mais toujours plaisants et distrayants, flottent, comme une musique douce, sur Berlin. Son image et son portrait hantent encore, par endroit, les artères et les murs de la ville. Nante n’était ni un artiste, ni un homme de lettre, ni un philosophe comme l’Allemagne en a connu et en connaît encore aujourd’hui.
     Il était tout juste un «hittiste» avant la lettre, adossé ou appuyé, du lever au coucher du soleil, à un mur de Berlin, à l’angle de l’ancienne rue Konigstrasse, actuellement Friedrichstrasse.
    C’était son coin préféré, son quartier général pour ainsi dire. C’était ici qu’il avait l’habitude de s’installer, sa sangle en cuir en bandoulière, attendant que quelqu’un lui confie du travail : une caisse, une valise, un meuble à transporter sur son dos voûté.
    Nante était en effet un portefaix. C’était son travail, sa principale activité, celle qui le fait vivre, plutôt survivre. Mais en attendant que quelqu’un fasse appel à ses services, il commentait, à sa manière, avec dérision et l’humour populaire berlinois, les faits et les évènements du jour. «Une bonne blague berlinoise vaut mieux qu’un beau paysage», disait le philosophe Friedrich Hegel (1770-1831).
    Le légendaire et immortel «hittiste» de Berlin, Ferdinand Strumpf, plus connu sous le nom d’Eckensteher Nante, est né en 1803. Son histoire avait été portée sur les planches en 1833 par l’écrivain Adolf Glassbrenners. Son rôle de personnage loustic, plaisantin, coquin, aigre-doux, avait été interprété avec brio par le comédien Friedrich Beckmann, selon les gazettes de l’époque. La pièce, qu’on peut traduire gauchement par «Nante sous interrogatoire», évoquait les déboires quotidiens de cet homme avec la police. Pourtant, Nante était des plus réglo. Il ne travaillait pas dans la clandestinité. Bien au contraire, il disposait d’une licence officielle l’autorisant à exercer son activité de portefaix.
    Le document, portant le numéro 22, était délivré par la police qui ne cessait de l’importuner, de l’agacer avec leurs interrogatoires. Eckensteher Nante fait partie des personnages originaux de Berlin, au même titre, sinon plus que la fleuriste, le joueur d’orgue de barbarie et le Capitaine de Köpenick, de son vrai nom Wilhelm Voigt. Cet artisan cordonnier, fatigué de réparer les godasses, avait eu un jour l’idée de se faire coudre un bel uniforme de colonel prussien.
    L’accoutrement, qui lui allait comme un gant, lui avait permis de s’accaparer de la caisse de la mairie. C’était en 1906. Le fameux Capitaine de Köpenick avait commis son forfait grâce à la crédule et naïve complicité d’un groupe de gendarmes obéissants sans broncher à l’uniforme. Arrêté puis condamné, il avait été gracié par l’empereur Guillaume II. Celui-ci en avait bien rigolé, comme tous les Berlinois de l’époque, de l’incroyable facilité avec laquelle le faux capitaine avait pris le commandement d’un groupe de gendarmes et subtilisé la caisse de la municipalité. Une action considérée par certains comme une boutade, une facétie contre le respect de l’uniforme prussien et l’esprit de soumission qui régnait à l’époque sous le régime de l’empereur de Guillaume II.
    C’est l’une des lectures qu’on peut faire aujourd’hui de ce cocasse fait-divers qui fait encore rire les Berlinois 103 années plus tard. Une statue de cet audacieux capitaine de Köpenick est visible, aujourd’hui, à la mairie du quartier de Köpenick, au sud-est de Berlin.
    Il s’agit-là de deux personnages mythiques, de référence que le touristique se doit de connaître avant de commencer à parcourir, dans la bonne humeur, la ville. Une ville qui s’étend sur une superficie de quelque 900 km2, plus grande que Londres et Paris, dont un tiers est composée de jardins, de parcs, de zoos, de verdure pleine la vue, de lacs, de fleuves et autres cours d’eau.

    Un tiers de Berlin en verdure

    Les Berlinois vouent un grand respect à la verdure. «Il ne viendra jamais à l’esprit d’un Berlinois de couper ou d’arracher un arbre pour construire une maison ou un garage», dira Mokhtar Mechai, un jeune algérien établi à Berlin depuis le milieu des années 90.
    «A Berlin, avant la construction d’une bâtisse, (immeuble, hôpital, école ou autre bâtiment), on fait d’abord le plan verdure et des arbres à planter sur les lieux», ajoute M. Mechai qui, en plus de son travail, éprouve un réel plaisir à animer des soirées artistiques typiquement algériennes dans la capitale allemande.
    «Un jour, quelques temps après mon arrivée ici, je traversais un parc et j’ai vu un homme qui plaçait des numéros sur les arbres. Je lui ai demandé pourquoi, à quoi peuvent-ils servir. Il m’avait répondu : c’est un numéro d’identité. Il permet de suivre la vie, l’évolution, la santé, l’âge de l’arbre concerné depuis sa plantation jusqu’à sa mort», dira son ami Arezki Keddam. «C’est pour vous dire que l’arbre ici est aussi chéri qu’un bébé et un être humain», souligne-t-il.
    Les espaces verts, avec leurs arbres touffus et élancés dans le ciel, donnent l’impression qu’ils occupent une place plus importante que les espaces construits. Dans certains quartiers de la périphérie de Berlin, les bâtisses sont éparpillées à travers des forêts d’arbres et d’immenses étendues de verdure.
    Il doit certainement y avoir un lien entre ce décor apaisant et le comportement serein et calme des Berlinois et des gens qui vivent à Berlin. En l’espace d’une semaine, un seul coup de klaxon a été entendu. «Une fausse note», dira ma consoeur Claudia. Tout le monde respecte la loi et les règles établis : les automobilistes, les cyclistes et les piétons. Le bruit est banni dans la ville. Il est déclaré hors la loi et pourchassé comme tel, non seulement par les services de sécurité mais aussi par les citoyens. Le respect de la tranquillité d’autrui fait partie des moeurs des habitants de Berlin, qu’ils soient d’origine ou d’adoption.
    Contrairement à l’idée reçue, Venise n’est pas la ville qui compte le plus grand nombre de ponts dans le monde. La première place revient à Berlin. La ville est traversée par près de 1.650 ponts au total qui sont, pour la plupart, des joyaux sur le plan architectural. C’est la plus vaste d’Europe. Mais elle ne compte que 3,5 millions d’habitants seulement.
    Le mur qui avait coupé Berlin en deux (Berlin Est de Berlin Ouest) pendant 28 ans a disparu. Sa chute en novembre 1989 marqua la fin de la guerre froide pour le monde et la réunification de leur pays pour les Allemands. Mais des restes de ce mur sont encore visibles en certains endroits. Ils sont préservés pour l’Histoire, pour la mémoire, pour qu’il n’y ait «plus jamais ça» à l’avenir.
    Des pans entiers de ce mur, long de 1,3 kilomètre, sont maintenus debout, en plein centre de Berlin. Ils sont transformés en galerie d’art à ciel ouvert. Plus que 100 artistes y avaient laissé libre court à leur imagination et à leurs pinceaux, faisant de ce mur de la bêtise humaine une immense toile artistique.
    Des travaux sont actuellement en cours pour donner un nouveau look à cette galerie. Les mêmes artistes peintres sont conviés, une nouvelle fois, à reprendre leurs pinceaux pour retapisser de leurs oeuvres les panneaux de ce mur. Une artiste peintre était déjà à l’ouvrage lors de notre passage le 12 mai 2009.
    La fin de la Seconde Guerre mondiale avait été annoncée par un soldat soviétique en 1945. Celui-ci avait hissé le drapeau rouge sur le toit du Reichstag. Ce fut la fin du 3ème Reich.
    La culture, ce n’est pas ce qui manque à Berlin. Il y en a de tous les genres et pour tous les goûts. Entre un musée et un théâtre, on trouve une salle de spectacle ou un cinéma, pour paraphraser une phrase bien de chez nous. Et il n’est pas rare de tomber sur une chaîne, une longue queue, pas devant le boulanger, le laitier ou le marchand de pomme de terre. Mais à l’entrée d’un théâtre ou d’un musée.

    Une «brasserie de la culture»

    Berlin est une ville des arts et de culture. Elle renferme entre ses murs des centaines, voire des milliers, d’artistes allemands mais aussi étrangers, notamment des ex-pays de l’Est, particulièrement Russes. Des artistes de grands talents qui, pour cause de chômage qui les touche de plein fouet, jouent avec beaucoup de coeur, sur certaines artères de la ville ou à l’angle des théâtres, des salles de spectacle ou des églises. La musique adoucit les moeurs et attendrit les coeurs.
    L’Ile aux musées draine, chaque jour, des milliers de touristes étrangers et de visiteurs allemands. Elle compte plusieurs musées dans lesquels sont exposés des vestiges des grandes civilisations : persane, romaine, irakienne, égyptienne etc. Les lieux ne désemplissent pas. Une demi-journée par semaine, l’entrée est gratuite pour tout le monde. Elle est offerte surtout aux étudiants et aux moins nantis. Car, les Allemands le savent, on peut être pauvre mais aimer les arts et la culture.
    Le journaliste, lui, quelle que soit sa nationalité, est dispensé des droits d’entrée. Ignorée par les services officiels et les agents de l’Etat algérien, la carte d’accréditation délivrée aux correspondants de la presse étrangère par le secrétariat d’Etat chargé de la communication est valable à l’Ile aux musées. Ce n’est pas une blague !
    Les activités culturelles et artistiques, comme du reste les activités économiques, sont soutenues par des moyens de transports efficaces. Les trains urbains, le métro, le tramway et les bus tournent sans interruption, jour et nuit, avec juste un service réduit entre 01H00 et 04H00. Ils desservent tous les quartiers, toutes les directions et localités de la périphérie de Berlin. Cela joue, mine de rien, un rôle important pour la promotion des activités culturelles, artistiques et… culinaires.
    On peut, par exemple, aller voir un film ou un spectacle, puis déjeuner et bavarder avec des amis avant de rejoindre son domicile à bord de l’un des moyens de transport public opérant à Berlin. Dans pareil cas, les activités de l’esprit, pour ne citer que de celles-là, ne peuvent que se développer. En bout de course, une vieille bâtisse, une usine désaffectée ou un ancien entrepôt peut, du jour au lendemain, devenir une salle de spectacle, un cinéma, une galerie d’exposition ou autre.
    Comme cette ancienne brasserie qui, au lieu d’être démolie et livrée à un promoteur immobilier, a été transformée en un complexe culturel et artistique comprenant des salles de cinéma, de concerts de musique, de galeries d’expositions et de restaurants. Ce complexe s’appelle aujourd’hui «Kulturbrauerei» (Brasserie de la culture).
    Plus loin, dans un autre quartier, c’est l’immeuble de «das Postfuhamt», qui abritait autrefois le Centre et les écuries des postes et télécommunications, qui ont été transformées en galeries d’exposition. Le débat est en cours à Berlin sur le devenir de l’aéroport désaffecté Tempelhof inauguré en 1923. Il est implanté en ville. Il est l’un des premiers aéroports d’Allemagne. Certains voudraient le voir transformer en complexe culturel et artistique. Et les anciens hangars utilisés hier pour retaper les avions pourraient devenir, demain -si l’idée est acceptée- un autre haut lieu de culture dans la capitale allemande.
    Tout récemment, cet aéroport désaffecté a abrité les épreuves du championnat du monde des coursiers à bicyclettes. Ce mois de juillet 2009, il sera mis à la disposition du Festival musical de Berlin pour les jeunes. Ce sera dans ce même endroit que se déroulera, en automne prochain, le tournoi de jumping équin.
    Ville plate comme la paume d’une main, c’est du moins l’impression qu’elle donne, Berlin ne fatigue pas son visiteur. Mais comme dit le proverbe, qui veut aller loin ménage sa monture. En guise de halte, le visiteur peut grimper sur la nouvelle coupole vitrée et la terrasse de l’Assemblée fédérale. C’est l’endroit idéal pour admirer Berlin, surtout lorsque le beau temps est au rendez-vous et le ciel dégagé.
    L’édifice, avec ses 23,5 mètres de hauteur et ses 68 mètres de diamètre, permet une vue splendide et superbe sur la ville. Ouvert jusqu’à minuit, il accueille chaque jour des milliers de visiteurs, Allemands et étrangers confondus.
    De là, on peut contempler plusieurs quartiers et bâtisses historiques de la ville, y compris la «Machine à laver». C’est le nom que les berlinois ont donné à la Chancellerie fédérale. Le bâtiment abrite le grand bureau de 4 mètres de long et de 1,3 mètre de large de l’actuelle chancelière Angela Merkel, comme de ses prédécesseurs. Il compte des dizaines de bureaux, de salles de réunion et de conférence ainsi qu’un appartement.
    «C’est une machine à laver politiquement correcte et respectueuse de l’environnement. Elle est équipée d’une centrale électrique au biodiesel installée dans la cave et de cellules solaires sur le toit», souligne le guide d’un bateau pour touristes qui fait la navette sur le canal la Spree.
    Autre particularité technique de cette bâtisse dans laquelle travaillent quelques 450 personnes «est son réseau pneumatique informatisé qui vous envoie au poste de contrôle de sortie les objets que vous pourriez avoir oubliés au 6ème étage», ajoute le guide.

    «L’huître enceinte» des cultures du monde

    A quelques centaines de mètres de là se trouve la Maison des cultures du monde où sont organisées, régulièrement, des manifestations artistiques et culturelles des différents continents. La bâtisse n’a pas échappé, elle aussi, à l’humour berlinois. Cette ancienne salle des congrès est flanquée d’un  surnom plus connu que son vrai nom. Les Berlinois, qui semblent avoir encore du sang du «hittiste» Nante dans les veines, l’appellent «l’Huître enceinte». D’autres la surnomment «le Sourire de Jimmy Carter».
    La Maison des cultures du monde est implantée à Tiergarten, une ancienne forêt qui fut, au temps du règne de l’aristocratie, une réserve de chasse. Elle a été construite dans les années 50 avec l’aide des Etats-Unis d’Amérique. Aujourd’hui, la forêt est devenue un vaste jardin public dans lequel se prélassent les Berlinois, sur l’herbe, à l’ombre d’arbres géants ou sur les berges de la Spree.
    Au centre de Tiergarten se dresse la longue colonne de la Victoire sur laquelle trône la déesse Victoria, surnommée par les Berlinois «Goldelse» (Else -abréviation de Elisabethen -en or), haute de plus de 8 mètres et pesant 35 tonnes. La colonne de 69 mètres de hauteur, érigée entre 1865 et 1873, «commémore les victoires plutôt rares», selon notre guide, des Prussiens au 19ème siècle contre les Danois (1864), les Autrichiens (1866), les Français (1870-1871).
    Cette dernière victoire «a été d’une importance particulière pour la Prusse. Elle avait permis au roi de Prusse de devenir empereur de l’Allemagne. Le chancelier Bismarck a joué dans ce processus un rôle décisif », estime-t-il.
    Il n’y a plus de chasseurs à Tiergraten aujourd’hui. Pourtant, ce n’est pas le gibier qui manque. L’endroit est encore fréquenté par toutes de sortes d’oiseaux, des lièvres et des renards. «On a même trouvé un jour des traces de sanglier près de Reichstag», nous a susurré à l’oreille, via les écouteurs, le guide.
    «Tiergarten veut dire jardin des animaux. Il ne faut pas le confondre avec le parc zoologique, qui est dans la partie ouest de la ville, qui n’en occupe qu’une toute petite partie. Il n’a rien à voir non plus avec le Tierpark qui, lui, se trouve dans la partie est de la ville », ajoute-t-il. Le «Parc des animaux» avait été créé en 1954 dans le château Friedrichsfelde construit en 1694.
    Les traces de la Seconde Guerre mondiale sont encore visibles dans certains endroits de la ville, comme à Am Kupfergraben et Dorotheenstrasse. Les murs portent encore les cicatrices, les impacts de balles et des bombes. L’immense Tiergarten n’avait pas échappé, lui aussi, à la furie des hommes. Une partie du parc avait même servi de piste d’atterrissage et un poste d’observation avait été installé au sommet de la colonne de la Victoire.
    Pendant la guerre, les Berlinois, contraints par la faim et le froid, avaient fait de ce parc une réserve de bois de chauffe. Ils avaient aussi transformé quelques 2.500 parcelles de terre en potagers, pour planter des pommes de terre et des légumes. A la fin des hostilités, il ne restait que 700 arbres sur les 200.000 que comptait le parc, d’après le guide. Mais Tiergarten a été reconstitué et ses 200 hectares entièrement reboisés. L’opération avait duré dix bonnes années, de 1949 à 1959.

    La Spree : fleuve paisible d’un Berlin trépidant

    De temps à autre, au détour d’un château ou parfois d’un jardin public, on tombe sur des inscriptions hors contexte, «en français dans le texte». C’est le cas de «Mon bijou», «Bellevue» ou autre «Sans souci». Les châteaux portant ces noms datent de l’époque de Frederick Legrand «qui parlait mieux français que l’allemand», d’après le guide du bateau qui tourne dans la Spree comme un oiseau dans une cage.
    «Même la grande Catherine, tsarine de Russie, préférait le français au russe, alors qu’elle était allemande. Au 18ème siècle, le français était la langue de prédilection de l’aristocratie en Europe», souligne-t-il.
    Encore et toujours de l’humour berlinois. Lors du transfert du gouvernement allemand de Bonn à Berlin, les autorités ont construit une cité, visible encore aujourd’hui, destinée à loger les députés et les fonctionnaires. Les Berlinois appellent cet ensemble de bâtiments résidentiels dépourvus de balcons «le serpent aux fonctionnaires» parce qu’il ressemble à un serpent en mouvement.
    La Spree est un long fleuve de près de 400 km qui prend sa source au point de rencontre des frontières allemande, tchèque et polonaise. «Un fleuve paisible qui traverse Berlin en rampant à 10 centimètres par seconde seulement, alors que Berlin a la réputation d’être une ville trépidante», dit le guide avec une pointe d’humour.
    Au cas où le touriste s’égare, perd le sens de l’orientation, il a au moins un repère infaillible de se retrouver : la Tour de la télévision. Avec ses 368 mètres de hauteur, cette tour, qui abrite aussi un restaurant, est considéré comme le plus haut édifice de Berlin. Elle est visible de partout et offre, une vue imprenable et fabuleuse sur la ville belle et attachante.

    M. A. H.



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