• El-Bendir : un magazine de BD qui promet de faire du bruit


    Par Mohamed Arezki Himeur
    Le Cap, bimensuel, Alger

    Parce que, pour certains, pour beaucoup même, ce mot signifie fiançailles ou mariages, suivis de décibels à faire éclater les tympans et des nuits blanches en perspectives.  Mais il faut faire un distinguo entre les «bendir». Il y a l’instrument de percussion, l’outil roi des fêtes folkloriques très apprécié en Algérie et au Maghreb, mais il y a aussi l’autre, «El bendir». Celui-ci ne provoque aucun décibel, mais il fait Tilt dans la tête, titille les neurones et procure un réel plaisir à le parcourir. Il s’agit d’«El Bendir», un magazine algérien de bande dessinée. Un «mensuel pas comme les autres», selon ses promoteurs.
    L’idée de sa création remonte à 2008, à l’occasion du Festival international de la bande dessinée d’Alger. Les participants voulaient un journal à eux, pour s’exprimer, se faire connaître, faire voir et apprécier ce qu’ils font. D’ailleurs, à l’unisson, ils ont mis en relief «la nécessité absolue de disposer d’un journal spécialisé pour leur permettre d’exister». C’est désormais chose faite. Ils ont réussi à créer cet espace vital pour le développement de cet outil d’expression qu’est la bande dessinée, la BD pour les initiés.
    En effet, une année plus tard, le projet a été concrétisé. Le numéro «double zéro» a vu le jour. C’est en automne dernier. Il a été lancé par un groupe de dessinateurs, parmi lesquels figurent des «fous» (de la BD s’entend) des années 70 comme Slim, Haroun, Melouah ou Aïder.
    A leurs côtés, la relève, le crayon bien affûté, est prête à croquer les travers de la société et de la politique, les imperfections, les bêtises, les sottises, les sornettes et les fadaises des uns et des autres. C’est le cas, pour ne citer que quelques uns, des Natsu, Togui, Nime, Islem, Noun et le Hic qui «sévissent» déjà, au grand bonheur des amoureux de la BD et de la caricature, dans la presse quotidienne.
    Pour les vieux «routiers» comme pour les jeunes qui commencent à faire leurs premiers pas dans la BD, El Bendir constitue un espace qui leur permettra de donner libre cours à leur crayon, à leur talent, à leur savoir-faire.
    A tout seigneur, tout honneur. C’est le père, le géniteur du duo d’enfer Bouzid et Zina, Slim pour ne pas le nommer, qui donne le La, ouvre le bal. C’est à lui qu’échoit l’insigne honneur de «chauffer le bendir», avec une belle histoire sur «Alger au temps des Turcs» et des «Deys qui sont installés et désinstallés démocratiquement par les Janissaires».
    Haroun fait un come-back avec de «Nouvelles aventures de M’Quidech» qui sauve des «harraga d’une mort certaine», pour reprendre une expression en vogue dans la presse locale. Mieux : il a aussi réussi à récupérer l’argent remis par les harraga au passeur.
    Une autre histoire de harga croquée par Aïder dans «Les aventures de Sindbad El-Harrague». Il s’agit de la première harga, qui s’étalera vraisemblablement sur plusieurs numéros d’El Bendir.
    Des histoires suivies par d’autres planches aussi croustillantes les unes que les autres. Le lecteur trouvera aussi des entretiens, des reportages, des informations «sur ce qui se fait ici et ailleurs», lit-on dans l’introduction.

    Une BD pour tous les âges et toutes les langues

    Le choix du titre El Bendir  n’a pas été décidé au hasard, selon le dessinateur Le Hic, auteur de «Nage avec ta mer». «C’est pour pouvoir faire beaucoup de bruit», dit-il avec le sourire en coin. «Mais graphiquement, dans Bendir il y a les deux lettres B et D, qu’on a mises en évidence dans le logo de la revue, et qui donne Bande Dessinée», relève-t-il.
    El Bendir est un magazine algérien, mais ouvert sur d’autres horizons, sur des dessinateurs d’autres pays. Dans ce numéro «double zéro», figurent justement le gabonais Pahé, le béninois Didier Viode et le congolais Barly Baruti. D’autres dessinateurs africains et de Madagascar seront présents dans les prochains numéros. El Bendir est né pour faire du bruit, mais il a décidé de s’ouvrir aux bruits des crayons qui résonnent ailleurs, sous d’autres cieux.
    S’agissant des dessinateurs algériens, un appel leur a été lancé pour se joindre à l’aventure. «Il y a des Bédéistes qu’on connaît, qui nous ont rejoints. Pour les autres, ils nous ont promis d’être là pour les prochains numéros. Pour le moment, on n’a pas eu de refus. Et ça ne serait pas intelligent de refuser une offre de ce genre», nous a confié Le Hic. D’autant que ce magazine «est ouvert à tous les dessinateurs algériens, africains, à toutes les langues et aux dessinateurs de tous âges», dira l’auteur de «Nage avec ta mer».
    Le lectorat ciblé ? «Des lecteurs âgés de 7 à 77 ans, selon la formule consacrée. Les enfants peuvent être séduits par les dessins et les couleurs, tandis que les adultes peuvent être attirés et intéressés par le texte, le plaisir de lire et de se divertir», estime Le Hic.
    Pour l’auteur de «Nage avec ta mer», El Bendir abordera évidemment des sujets politiques. Mais «ça ne sera pas vu de la même manière» que dans des dessins de presse. Ils seront traités sous un angle différent, comme cela doit se faire dans une publication de bande dessinée. «Il y aura de la politique. Moi je suis d’avis que tout est éminemment politique. Quand on fait un sujet sur les harraga, c’est de la politique. Quand on évoque la violence dans les stades, c’est de la politique», estime-t-il.
    Cependant, les sujets seront traités «sous un angle qui colle à l’esprit de la bande dessinée», souligne-t-il. «La politique ne se résume pas au fait de dessiner un homme politique. La politique, c’est tout. Les embouteillages dans les rues d’Alger, c’est de la politique», relève Le Hic.
    C’est vrai que beaucoup diront que c’est une gageure de lancer une revue de BD en Algérie au moment où on parle de crise de la presse dans le pays. «S’il y a une crise dans la presse, c’est parce que, justement, celle-ci n’a pas su se diversifier», soutient-t-il. «Le premier réflexe des éditeurs, c’est de créer des quotidiens nationaux d’information. Or, ce créneau est saturé. Pour les plus intelligents d’entre eux, ils créent des hebdomadaires d’information générale. ça, sa passe encore», dira Le Hic. Pour lui, le créneau des publications spécialistes est négligé.
    L’auteur de «Nage avec ta mer» est convaincu qu’il y a une bonne place pour un magazine de bande dessinée en Algérie. «S’il n’y a pas de place pour la BD, cela veut dire qu’il ne peut pas y avoir de place pour la musique, le cinéma etc.»,  estime-t-il. Car malgré les moments tragiques et de douleurs de la décennie 90, la vie continue.
    Tant qu’il y aura des fêtes, l’instrument de percussion qu’est le bendir continuera de résonner. Puisse le mensuel El Bendir faire du bruit plus longtemps que ses prédécesseurs El-Manchar et M’Quidech.

    M. A. H.


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