• Etrangers en Algérie: une vie difficile


    Par Mohamed Arezki Himeur

     (
    Le Cap, bimensuel – Alger)

    La vie n'est pas commode pour les étrangers en Algérie. Surtout pour les ressortissant européens et nord-américains. Beaucoup d'entre eux, présents dans le pays parfois depuis quelques années, ne connaissent de l'Algérie que certains quartiers d'Alger et de sa périphérie, ainsi qu'une poignée de villes qu'ils ont traversées à la dérobée, furtivement, à bord de véhicules de service. Il est vrai que les intérêts des pays de certains d'entre eux figurent parmi les cibles des menaces de la branche d'Al-Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), nouvelle appellation du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), qui a rallié avec armes et bagages l'organisation terroriste internationale de Ben Laden.


    Hormis les ressortissants des pays arabes et, dans une moindre mesure africains, les seuls étrangers qu'on rencontre de temps à autre dans les artères de nos grandes villes sont des Chinois. Ils représentent, avec plus de 19 000 personnes, la plus importante communauté étrangère travaillant et vivant en Algérie. Quelques-uns se sont installés à leur compte en ouvrant des boutiques. Les autres vivent dans une totale discrétion, presque dans la clandestinité, pour cause d'insécurité liée aux groupes armés islamistes.

    Les Européens qu'on aperçoit parfois à la rue Didouche Mourad, la principale artère de la capitale, nos Champs-Elysées ou Oxford Street, se déplacent discrètement, généralement en voiture, et par nécessité. Pour une mission, un travail bien précis ou pour acheter un cadeau souvenir à envoyer ou à emmener aux enfants ou aux amis à la prochaine visite à la famille, ou au prochain retour définitif au pays. La prudence est de mise pour tous.

    Pas de vie sociale      


    Certains sites Internet d'ambassades ne cessent de le recommander à leurs ressortissants, à chaque attentat terrorise retentissant. Résultat : les Européens évitent au maximum tout déplacement sans objet, toute sortie diurne ou nocturne afin de prendre de l'air ou flâner au bord de la Méditerranée. Ils ne s'aventurent jamais du côté de Belcourt, Bab El-Oued, Hussein-Dey, Kouba et des autres quartiers populaires d'Alger. Certains n'y ont jamais mis les pieds. Lorsqu'un jour de repos ou un week-end ils se décident à sortir, à quitter momentanément leur tanière, c'est pour se rendre à Tipaza — toujours la même direction — afin d'effectuer une visite éclair des ruines romaines.

    «C'est très pénible. Il n'y a aucune vie sociale pour les étrangers en Algérie, y compris à Alger, la vitrine du pays. Pour les employés, c'est boulot dodo, pour leurs épouses et leurs enfants, c'est la maison», dit Nicole, femme d'un cadre d'une filiale d'une société française installée à Alger, rencontrée devant une boutique de produits artisanaux près de la Fac centrale à Alger. Elle était accompagnée d'un couple algérien.

    Pour rompre l'isolement, les expatriés européens, qu'ils soient employés de sociétés ou fonctionnaires d'ambassades et d'organisations internationales organisent des rencontres, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, pour discuter, passer une agréable soirée «autour d'un verre» ou une «bouffe partie». Des Algériens, généralement des collègues de travail ou des relations d'affaires, sont invités à ces rencontres.

    «Je crois que sans ces rencontres, les Euro-péennes, dans leur majorité, ne tiendront pas longtemps ici, ils plieront bagages peu de temps après leur arrivée en Algérie», estime Clara. Cette espagnole est l'une des rares étrangères à se rendre régulièrement au marché pour faire ses emplettes. Les derniers attentats suicide perpétrés à Alger avaient incité certaines sociétés à rapatrier des familles de leurs personnels expatriés.

    Le physique de Clara, son teint et ses cheveux noirs lui sont d'un grand secours. Ils l'aident à se fondre facilement dans la foule, parmi les Algériennes, sans susciter le moindre soupçon sur son origine. «En réalité, je ne suis pas la seule à me rendre au marché. Il y a des Européennes, surtout des épouses de personnels de sociétés, qui font, comme moi, leur marché au moins une fois toutes les deux semaines, mais toujours accompagnées par des ami(e)s algériens».

    Au niveau des représentations diplomatiques, les consignes de prudence sont scrupuleusement respectées. Le moindre écart risque de porter préjudice à la carrière de son auteur. Ce n'est pas demain la veille qu'un ressortissant européen, prendra son courage à deux mains, pour aller déguster de délicieuses brochettes « sur les rayons de bicyclettes » à Hamdania. C'est dans ce petit village de montagne situé à la sortie des Gorges de la Chiffa, en allant de Blida et Médéa, qu'on trouve de succulentes brochettes de viande, peut-être meilleures que celles d'El Achir, sur la route de Sétif.

    32 000 étrangers


    Le secteur de la restauration est certainement celui qui permet d'avoir une idée sur la vie que mènent les ressortissants européens en Algérie. Les établissements les plus fréquentés sont principalement ceux des grands hôtels. Ceux-là, font de très bonnes recettes. Ils sont fréquentés par des diplomates et de hauts fonctionnaires des organisations internationales. Parce qu'ils sont sécurisés.

    Par contre, en ville et dans la périphérie ouest et est d'Alger, le constat est différent ; les restaurants drainant des étrangers, toutes nationalités confondues, se comptent sur les doigts d'une main. Ils sont fréquentés par des employés européens d'entreprises algériennes ou de sociétés étrangères, mais aussi et surtout par des «missionnaires», des employés de firmes étrangères en mission pour quelques jours, voire quelques semaines, en Algérie. Ces derniers sont moins «intoxiqués» par le climat de l'insécurité ambiante, entretenue, parfois amplifiée, par les uns et les autres. Certains, dont des Algériens, pour éloigner les éventuels concurrents qui rodent dans le pays, les autres, des fonctionnaires d'ambassades et des cadres de sociétés étrangères, pour maintenir élevée la «prime de risque» perçue en venant en Algérie.

    Les statistiques sur le nombre d'étrangers travaillant en Algérie varient d'une source à une autre. Elles tournent entre 23 000 et 32 000 personnes, représentant une centaine de nationalités. Ces chiffres concernent les étrangers munis d'un permis de travail. Ils ne semblent pas prendre en ligne de compte les fonctionnaires et les personnels des représentations diplomatiques et des organisations internationales, ainsi que leurs familles (épouses et enfants). Qu'importe, quels que soient les chiffres, force est de constater que la présence des étrangers en Algérie est insignifiante par rapport au plus de 34 millions d'habitants que compte le pays.

    Il est difficile d'obtenir un chiffre précis exact sur le nombre d'étrangers, notamment Européens et Nord-Américains présents en Algérie. Les sociétés, les représentations diplomatiques et les organismes internationaux sont, pour des raisons sécuritaires ou autres, avares en confidences sur ce chapitre.

    Pas de bousculade


    Il est vrai que l'Algérie ne figure pas parmi les destinations prisées par les expatriés étrangers. La réticence persiste chez des candidats potentiels. Des entreprises éprouvent des difficultés à trouver parmi leur personnel des candidats pour l'Algérie. Tout récemment, un important organisme français a affiché un poste de chef de bureau à pourvoir à Alger. Un seul candidat a postulé, alors qu'autrefois, au sein ce même organisme, les candidats se bousculaient pour tenter de décrocher le poste d'Alger. Autre temps, autre situation, autres mœurs.

    Certaines entreprises européennes ont trouvé la parade. Elles font appel aux binationaux et à des cadres algériens établis en Europe pour pallier le manque d'intérêt ou la crainte de leurs ressortissants à s'expatrier en Algérie. Cette crainte est renforcée, confortée par les images, négatives, renvoyées par le pays. La fermeture de certaines artères proches des commissariats de police et autres postes des forces de sécurité à la circulation automobile et parfois aux piétons, la «bunkerisation» des bâtiments officiels transformés en forteresses et le nombre élevé de barrages sur les axes routiers sont, peut-être, des mesures nécessaires, utiles. Mais, elles renvoient des signaux négatifs, laissant croire que le terrorisme est encore dangereux et qu'il dispose d'une grande force de frappe. C'est la lecture que fera tout quidam à la vue de ces images. Dans ce cas, il ne faudra pas s'étonner, ou s'offusquer, de voir les représentations diplomatiques conseiller à leurs ressortissants d'éviter de se rendre en Algérie et à ceux qui sont sur place de restreindre leurs mouvements dans le pays.

    M. A. H.


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