• Par Mohamed Arezki Himeur,
    (publié dans le magazine Tassili, Alger)

    A Ouargla, porte du désert, à 845 km au sud d’Alger, ne faites pas la moue, ne vous étonnez pas si on vous propose, dans l’un des restaurants de la ville, du poisson frais. L’offre est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Elle n’a rien d’un canular, d’une plaisanterie. Le maître d’hôtel ou le serveur ne se paie votre tête, ne vous fait pas marcher, comme on dit. Pour mieux vous convaincre, on vous présente la grosse pièce parfois bien vivante, baignant encore dans un aquarium.
    Le plat est du reste mentionné sur le menu, aux côtés des autres mets du jour à base de viande rouge ou blanche. Bien évidemment, ce ne sont pas du merlan, du rouget de roche, de la crevette royale, du mérou ou de la raie qui vous sont proposés. Mais d’autres espèces de poissons d’élevage connues sous les noms de tilapia, d’artémia, de poisson-chat entre autres.
    En vérité, le poisson n’est pas le trait caractéristique d’Ouargla. Il est pour ainsi dire anecdotique devant le paysage, le décor, les dunes, les oasis de palmeraies, les vastes étendues désertiques, les sites historiques et touristiques que la ville et ses environs offrent aux visiteurs.
    « Changer d’air, ce n’est pas changer de village ou de ville côtière, prendre de l’altitude en grimpant sur les cimes des montagnes. Ouargla vous propose un autre panorama, vous fait découvrir d’autres espaces, vous fait baigner dans
    un autre climat, une autre ambiance moins trépidante, surtout moins stressée que celles des grandes villes du nord du pays », nous confiera Ahmed, restaurateur, originaire de la région de Tizi Ouzou, installé depuis plus d’une décennie dans la région.
    Il est vrai que le visiteur ou le touriste qui débarque pour la première fois à Ouargla aura du mal à trouver ses marques. Il doit s’approcher des habitants de souche, du reste serviables et accueillants, pour se renseigner sur les sites, monuments, quartiers, marchés, oasis, dunes, chotts et lacs à visiter, même s’ils ne sont pas mis en valeur dans leurs prestations par les agences et associations touristiques.
    Parce que la région d’Ouargla compte, elles aussi, des endroits qui méritent un détour, à l’image des ksour de Ouargla-ville, de N’goussa, de Sidi Khouiled, d’El-Hadjaj, de Temacine, de Touggourt ou encore des vestiges de la ville de Sédrata,
    aujourd’hui disparue, et des sépultures des rois ayant régné dans la région.
    Elle compte aussi des réserves protégées, « lieux de croissance d’une riche flore » et endroit « de prédilection de multiples espèces faunistiques, de mammifères, de reptiles et d’oiseaux ». Le visiteur peut, au détour d’une dune ou d’un palmier, tomber nez à nez avec un fennec, un renard ou un lézard du désert. Inutile de parler du chameau, dont le Sahara en constitue la planète naturelle.

    Des atouts indéniables

    Les potentialités touristiques d’Ouargla sont indéniables. Les autorités en sont conscientes. Elles ont retenue, depuis 2005, six zones d’expansion touristiques dans les communes de Hassi Ben Abdellah, N’goussa, El-Hedjira et
    Tabesbest. Les zones humides, comme les lacs salés, les sebkhas, les chotts, les plans d’eau et les oasis, sont autant d’atouts susceptibles de captés, plus tard, une fois les commodités réunies, le tourisme national et étranger.
    Mais les opérateurs semblent faire défaut. Ils ne se pressent pas au portillon. Ils sont plutôt attirés par le littoral. Peut-être par méconnaissance des perspectives de ce type de tourisme.
    Comme pour la majorité des grandes villes et régions du pays, Ouargla et sa région ne disposent pas de guides ou brochures sur ses atouts touristiques. L’Office national du tourisme (ONT) présente Ouargla comme « une immense oasis dont la palmeraie compte plus d’un million et demi de dattiers (…) Les ksour sont nombreux, comme celui de Ouargla et de N’goussa où se trouvent les tombeaux de Sidi Belkheir Echetti et Sidi Ahmed Belabbès (…) Le Musée, avec son exposition sur l’artisanat des différentes régions, les reproductions des périodes historiques et préhistoriques, sa place du marché et le vieux ksar témoignent de l’attachement de cette cité à son passé ». Le texte, même s’il est accompagné de belles photos, fournit peu de renseignements sur la région. Ses sites et monuments touristiques étant évoqués brièvement.
    Arrêt sur image. Sur le mur d’une salle de conférence d’un hôtel de Ouargla, on peut observer une vielle photographie du marché du bois de la ville. Le marché existe encore. Il grouille de monde. Mais à la place du bois, on y vent de la
    pierre, des roses des sables pour être précis. Objets d’ornementation appréciés par les touristes et les visiteurs de passage.
    Plus loin, un autre petit marché, comptant quelques étals, proposent des dattes de différentes espèces, dont l’une, de couleur noire, la moins chère de toutes les variétés, est recommandée pour les personnes souffrant de rhumatisme, selon
    un vieux marchand.
    La ville est coupée en deux par une route nationale à deux voies plantée de part et d’autre de palmiers. Le premier tronçon est dénommé avenue du 1er novembre 1954 et le deuxième, qui est le prolongement du premier, est baptisé
    avenue de la Palestine. Une longue et large artère commerciale parsemée de terrasses de cafés affichant complets une bonne partie de la journée.
    C’est vrai que Ouargla est l’une des plus importantes villes du sud algérien. C’est la plus riche aussi grâce aux gisements pétroliers de Hassi Messaoud. Elle grandit et s’élargit au fil des jours. Elle compte de nombreux établissements
    hôteliers de différentes catégories, dont certains n’ont rien à envier à ceux des grandes villes du nord du pays en matière de prestations et de services. Dans l’un d’eux, chaque chambre est équipée d’un ordinateur.

    Place commerciale entre le Nord et le Sud du Sahara

    Dans les temps anciens, Ouargla fut florissante. « Des jardins immenses, des palmiers et arbres fruitiers, des cultures de céréales s’étendaient au loin, fécondés par des puits jaillissants d’une grande abondance », peut-on lire dans un livre datant de 1868.
    Le khalif hafside Abou Zakaria, qui la visita en 1328, fut « frappé par la grandeur de cette cité et y fut construire une mosquée », selon Alfred Moulin, auteur de « l’Afrique à travers les âges » (1914). Un autre auteur, décrivit Ouargla entourée de « beaux jardins, constamment arrosés, produisant le raisin, l’abricot, la pêche, la figue et principalement la datte qui fait la richesse du Sahara. »
    La ville aurait été fondée par une femme portant le nom de Ouargla au 12ème siècle, d’après Alfred Moulin. « Dès 1230, elle entrait si bien en relation avec le monde civilisé qu’elle signa un traité de commerce avec les Pisans, puis avec les Génois (1236), les Vénitiens (1251), les Florentins (1252) et les Français (1272) », écrivait-il dans son livre. Il est, à
    notre connaissance, le seul à avoir avancé cette hypothèse sans en préciser ses sources. « En 1655, les Turcs pillèrent la ville qui dès lors commença à décliner », ajoutait-il.
    Toujours est-il que sa fondation remonte loin dans le temps. Un naturaliste français, M. Thomas, avait trouvé « tout un atelier de silex taillés, c’est-à-dire d’armes et d’outils propres aux peuplades antihistoriques », rapportait le journal La Presse dans son édition du 30 octobre 1877.
    « Cet atelier semble avoir été affecté à la fabrication des armes de guerre ou de chasse car on y trouve beaucoup de pointes de flèches en silex blanc, jaune et noir, forts petits, taillées en forme de harpon, à pointe longue et effilées. Elles portent, à leur base élargie, deux arêtes aigues dirigées en arrière, entre lesquelles se trouve une petite tige destinée à
    l’implantation de l’arme dans le bois de la flèche », selon le journal.
    « De nombreux débris d’œufs d’autruche sont mêlées à ce silex ; des grattoirs, des scies et des couteaux s’y trouvent également », ajoutait-il.
    Ouargla fut, pendant une très longue période, le passage obligé des voyageurs se rendant vers le Soudan, actuel Niger. « En 1353, Ibn Khaldoun vît à Biskra un ambassadeur du seigneur de Takedda, ville importante d’Afrique centrale, avec laquelle Ouargla faisait un grand commerce », écrivait Henri Duveyrier dans « Les Touaregs du Nord : exploration du
    Sahara » (1864).
    Après la disparition de Takedda « comme place commerciale, Ouargla commerçait avec Agadez ». Ce fut à l’époque de Jean Léon (XVIème siècle), plus connu sous le nom de Léon l’Africain. Même si elle a perdu son statut de place commerciale entre l’Afrique du Nord et certains pays subsahariens, elle demeure, aujourd’hui encore, le passage obligé pour un grand nombre d’automobilistes et de voyageurs se déplaçant entre les versants sud et nord de l’immense désert
    du Sahara.

    M. A. H


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  • Par Mohamed Arezki Himeur
    Publié dans le magazine Tassili, Alger

    Oran est une ville accueillante et attachante. Elle porte bien son surnom d’El-Bahia, la radieuse, la ravissante. Elle vit à un rythme trépidant, comme toute autre grande ville, mais avec le stress en moins. Les coups de klaxons qui agressent l’ouïe, effraient les petits enfants, font sursauter les piétons et énervent les conducteurs (toujours ceux qui sont devant, bien sûr) sont rares. Les automobilistes, dans leur majorité, sont plus cool.

    Le visiteur éprouve un réel plaisir à arpenter ses artères grouillantes de monde, flâner entre les étals de ses marchés, visiter les quelques sites et vestiges historiques qu’elle renferme, vadrouiller sur le boulevard du front de mer, apprécier sa baie, se balader à travers les allées de la promenade verdoyante de Ben Badis (ex-Lelang) ou contempler, du haut du fort de Santa-Cruz, la merveilleuse cité et ses environs.
    C’est dans ce fort justement, édifié par les Espagnoles en 1577 sur le pic du mont de l’Aïdour, à 589 mètres du niveau de la mer, qu’a vu le jour, du temps de la colonisation espagnole, la calentica ou calentita, connue à Alger et dans les autres villes du pays sous le nom de garentita.
    Il s’agit d’un plat fait, au départ pauvrement, à base de farine pois-chiches, de sel, d’eau et d’huile. Aujourd’hui, ce mets, proche à la fois d’un gratin et d’un gâteau moelleux, est relevé avec des œufs, du beurre, du poivre noir, du cumin et, pour les amateurs de piquant, de la harissa.
    Il fait partie de l’art culinaire oranais. Il a été inventé, involontairement pour ainsi dire, par un cuisinier espagnol. Pour ne pas perdre ses réserves de pois chiches trempés d’eau de pluie, par suite de l’inondation du dépôt à provisions du fort éventré par des bombardements des troupes autochtones et ottomanes, le « chef » a eu l’idée de les transformer en pâte. Saupoudrée de sel, imbibée d’un peu d’eau et d’huile, la pâte, une fois cuite, fut servie toute chaude aux fantassins du fortin de Santa-Cruz. Et la calentica, mot dérivant de l’espagnol caliente, qui signifie « chaud », est née.
    Aujourd’hui, la calentica est consommée, à Oran ou ailleurs en Algérie, à toute heure de la journée. Elle peut servir à la fois de gouté ou de plat de résistance accompagnée d’une salade algérienne (salade verte, tomate, poivron vert et oignon).

    Prospérité et splendeur d’antan

    Au-delà de cette trouvaille culinaire, le fort de Santa-Cruz, appelé bordj el-djebel par les oranais, est dressé au sommet d’un massif montagneux. Il est l’un des plus attrayants sites touristiques d’Oran. Il offre, du haut de ses 372 mètres, une imprenable vue sur la capitale de l’ouest algérien, sa baie, son golfe, Mers El-Kébir, la Méditerranée, le djebel Orouze, la plaine de la Sebkha etc. Il draine, chaque jour, des centaines de visiteurs, locaux et étrangers confondus.

    « Par temps clair, on peut même, dit-on, apercevoir les côtes espagnoles. Une vraie tour de vigie d’où rien n’échappe à l’œil de la sentinelle », estime l’Association « Bel Horizon » dans son guide « Oran face à sa mémoire » (2005).
    Des historiens rapportent qu’El-Bahia fut fondé vers 903 par des Maures d’Andalousie. Mais elle avait été « visitée », auparavant, par les vandales (455), les Arabes (645) et d’autres conquérants en mal d’espace et de richesse. Les phéniciens en avaient fait un comptoir commercial et les Romains avaient surnommé Mers El-Kébir « portus divinus » (port divin). Les Turcs l’avaient utilisé comme une des bases arrière de leurs corsaires et pirates qui écumaient la Méditerranée, avant de déguerpir au lendemain du débarquement de l’armée coloniale française en 1830.
    Les invasions étrangères ont été facilitées par les comportements des différentes dynasties berbères qui se livraient des guerres et des batailles rangées pour le contrôle de la ville. Almoravides, Almohades, Mérinides… La cité n’a cessé de passer, tout au long de son histoire, d’une dynastie à une autre. « En moins d’un demi-siècle, elle changea de maître neuf fois! », écrivait Charles Lellemand dans « L’Ouest de l’Algérie », un ouvrage consacré aux réseaux des chemins de l’ouest algérien (1891).
    Un historien arabe, cité dans « De la colonisation de l’Afrique » (1839) d’Aristide-Mathieu Guilbert, écrivait que les habitants d’Oran « étaient fiers, industrieux et jouissaient de beaucoup de crédit. Ils avaient couvert leurs champs de pâturages, de vergers, de jardins (…). Le port était fréquenté par des navires de toute espèce et c’est de là que venaient principalement les approvisionnements du littoral d’Espagne ». Une indication confirmant que l’Algérie fut le grenier non pas seulement de Rome, mais aussi d’autres pays du pourtour de la Méditerranée.

    Oran résiste aux conquérants

    Wahran la radieuse a connu des périodes fastes, selon de nombreux historiens, géographes et auteurs. « Son port fut prospère sous la dynastie des Béni Zeyanes, rois de Tlemcen, et entretint des relations avec l’Espagne et les autres pays méditerranéens…, » peut-on lire dans « Algérie et Tunisie » de G. Jacqueton, Auguste Bernard et Stéphane Gsell (1909).

    Elle a vécu, sous le règne de cette dynastie berbère, « une ère de prospérité et de splendeur », selon Charles Lallemand. Elle était « riche, populeuse et bien défendue. Des navires fréquents venaient échanger dans son port les objets manufacturés et les étoffes d’Espagne, d’Italie, de France contre des produits des pays africains. Elle entretenait des relations suivies avec Almeria, Barcelone, Marseille et les grandes villes libres commerçantes de la côte d’Europe, telle que Venise, Gênes, Raguse », affirmait le commandant français Primodan dans un livre intitulé « Oran, Tlemcen, Sud-Oranais » (1903).
    En dépit de son histoire tourmentée, Oran « a survécu à toutes les vicissitudes de sa traumatisante histoire précisément parce que, lieu de transit entre les deux rives de la Méditerranée, son existence était pour ainsi dire une nécessité historique. Oran devient même au XIVème et au XVème siècles une florissante cité », lit-on dans « Alger, Oran, Constantine » (1903).
    Ces périodes fastes furent interrompues par les Espagnols. Leurs troupes, qui occupaient déjà depuis 1505 Mers El-Kébir, envahissaient Oran en 1309. Un assaut qui avait fait 4.000 morts et 8.000 prisonniers parmi les habitants. Le Cardinal Ximénès de Cisneros avait mobilisé, pour venir à bout de la résistance des Oranais et prendre le contrôle de la ville, 10.000 fantassins, 800 volontaires et 4.000 chevaux, selon Flichier, auteur de l’ « Histoire du Cardinal Ximénès ».
    Les Espagnols avaient gagné la bataille, mais pas la guerre. Les environs de la cité échappaient à leur mainmise. Mieux : ils étaient interdits de sortie de l’enceinte d’Oran par des expéditions répétées des autochtones, avant d’en être chassés, en 1708, par le bey Mustapha Ben Youcef, alias Bou-Chlaghem, fondateur de Mascara.
    Les Espagnols, colonialistes « mauvais élèves » (dixit Giap), revenus une nouvelle fois en 1732, ont quitté la définitivement la ville en 1792, deux ans après le terrible tremblement de terre de 1790. Ils ont été suivis trente huit ans plus tard par leurs successeurs Turcs. Ces derniers ont été, à leur tour, chassés d’Algérie au lendemain de la prise d’Alger par l’armée coloniale française en 1830.
    Les troupes françaises, arrivées à Mers El-Kébir en juillet 1830, avaient investi Oran l’année suivante (1831). Le bey Hassan n’avait opposé aucune résistance. Cet ancien cuisinier du bey Othmane le Borgne, haï par les autochtone, avait négocié sa reddition aux français et quitté le pays.

    Sites et monuments

    Oran, comme les cités côtières algériennes, a connu et affronté divers conquérants. Aucun d’eux ne pouvait se targuer l’avoir complètement domestiquée. Certains d’entre eux ont laissé des traces, devenus aujourd’hui des sites et monuments qui retracent l’histoire de la ville.

    C’est le cas de la place du 1er novembre (ex-place d’armes). On ne peut se rendre à Oran sans faire un détour du côté de ce lieu qui évoque un événement historique : le désastre subi par l’armée coloniale à Sidi Brahim, près de Ghazaouet, devant les troupes de l’émir Abdelkader. C’était en septembre 1845. « En peu d’instants, tous les chevaux, presque tous les hommes sont atteints, leurs munitions s’épuisent, le sol est jonché de morts et de blessés », écrira Félix Audry dans « L’Algérie, promenade historique et topographique » (1868).
    Une colonne de 8 mètres de haut rappelant cette débâcle, édifiée par les Français en 1888, est toujours là. Elle est surmontée d’un obélisque de la Victoire ailée. Tout près, se trouve l’Hôtel de ville, une belle et monumentale bâtisse construite en 1886, dont les larges escaliers d’accès sont flanqués de deux lions en bronze, œuvres du sculpteur français Auguste Nicolas Ca£in. Le nom algérien de la ville, « Wahran », dérive, semble-t-il, du mot berbère « wahr », lion. Il existe dans la région un lieu appelé encore « la montagne des lions »…
    Le théâtre Abdelkader Alloula (ancien Opéra), homme de théâtre assassiné par des terroristes en mars 1994 à Oran, est situé à quelques mètres de l’Hôtel de Ville. Un joyeux édifice inauguré en 1907.
    La façade, donnant sur la place du 1er novembre, est superbe. Elle est flanquée de deux tours carrées surmontées de coupoles posées sur quatre piliers, séparées par une sculpture représentant trois statues allégoriques de Victor Fulconis (1851-1913), fils de Louis Guillaume Fulconis (1818-1873) également sculpteur de renom. L’intérieur de ces deux bâtisses -- l’Hôtel de Ville et le Théâtre – enchante encore plus le visiteur.
    Le musée Ahmed Zabana (ex-Demaeght) renferme une riche collection de peintures et autres objets préhistoriques. Il a été érigé en 1930, en même temps que ceux d’Alger et de Constantine, à l’occasion de la célébration du centenaire de la colonisation française de l’Algérie.
    Les « Nymphes de la fontaine des Innocents » méritent bien un détour. Elles sont d’ailleurs inévitables, parce qu’elles se trouvent sur l’une des grandes artères de la ville. Elles sont représentées par des statues incrustées sur la façade de l’église Saint-Esprit donnant sur Larbi Ben M’hidi, l’une des principales rues commerçante de la ville. La nymphe représente dans la mythologie grecque, dit Le Petit Larousse (1948), « la divinité subalterne et féminine des fleuves, des fontaines, des bois et des montagnes : les nymphes sont la personnification des forces vives de la nature ».

    Sidi El-Houara veille sur elle

    La bâtisse de l’église Saint-Esprit a connu un destin agité. Elle a été tour à tour mosquée, chapelle d’un couvent des moines de Saint-Bernard, église de Notre-Dame de la Victoire, synagogue, puis église du Saint-Esprit.
    L’église Saint-Louis a connu elle aussi un même sort tourmenté. Elle a été mosquée, église, synagogue. Démolie par le tremblement de terre de 1790, elle sera reprise, en 1839, par les Français pour en faire plus tard une cathédrale (1866). La bâtisse, fermée le jour de notre passage, serait devenue aujourd’hui un centre culturel.
    Un regard, furtif, sur l’histoire d’Oran montre que tous ses lieux de culte ont vécu la même mésaventure, changeant de « propriétaires » et de fidèles en fonction du conquérant, du maitre du moment. Le même phénomène fut observé dans d’autres cités du pays.
    La mosquée du Pacha, située dans le quartier de Sidi El-Houari, mérite une visite. Elle a été construite en 1796 sous le règne du bey Mohamed El-Kébir, sur ordre de Baba Hassan, pacha d’Alger. Elle fait partie des monuments historiques d’El Bahia. Elle aurait été édifiée, selon certains auteurs, avec l’argent provenant du rachat des captifs chrétiens par des pays d’Europe.
    Sidi El-Houari est le saint tutélaire de la ville. Il est à Oran ce que Sidi Abderrahmane est pour Alger. Son mausolée, construit en 1793 par le bey Othmane se trouve dans le quartier éponyme. Ce saint homme, vénéré par les Oranais, « expliquait et élucidait avec une merveilleuse facilité les questions ardues, les plus obscures et les plus épineuses », écrivait, de lui, Corneille Trumelet, colonel de l’armée coloniale française, dans son livre sur « L’Algérie légendaire » (1892).
    Difficile à repérer la mosquée de Sidi Mohamed El-Kébir, libérateur d’Oran du joug espagnol. Elle est dissimulée derrière des immeubles du Front de mer. Elle avait été profanée, souillée par les forces coloniales françaises qui l’avaient transformée en salles de bains. Les autorités militaires avaient même projeté de la rasée. La colère et la protestation des Oranais à contraint le ministre de la Guerre de l’époque à faire machine arrière et à proclamer « que le tombeau du plus illustre de anciens beys d’Oran serait conservé et rendu à sa destination première », que la mosquée « ne sera donc pas démolie » et qu’« elle restera la propriété de l’Etat et un monument historique », rapportait, en 1893, Le Bulletin de la société de géographie et d’archéologie de la province d’Oran.

    Superbe vue sur Oran et sa baie

    Edifiée en un temps record (1892-1893), la moquée de Sidi Mohamed El-Kébir constituait, à l’époque déjà, « une des rares choses devant lesquelles s’arrêtent les peintres et les touristes de passage à Oran », ajoutait-il. Une cité, née autour d’elle, avait été rasée par le général Desmichels en 1832, tandis que la mosquée, seule bâtisse épargnée, « fut transformée en redoute », selon la même revue.

    La promenade Ben Badis (ex-Lelang), aménagé en 1847, offre une vue superbe sur le port d’Oran. Il s’agit d’un jardin très apprécié par les Oranais et les touristes. Il jouit du même attrait que le boulevard Front de mer qui draine chaque jour, lorsque le beau temps est du rendez-vous, une foule nombreuse de promeneurs.
    Le Front de mer, qui surplombe le port, long d’environ trois kilomètres, est bordé d’immeubles modernes d’un côté et d’arbres géants de diverses essences des deux côtés du boulevard.
    Mais pour savourer le panorama de la baie et de la ville Oran, le visiteur doit grimper au fort de Santa-Cruz ou à la chapelle de Notre-Dame du Salut bâtie en contrebas au lendemain de l’épidémie de choléra qui avait ravagé Oran et ses environs en 1849. L’oratoire, surmonté d’une statue de la Vierge, est complété depuis les années 1950 par la construction d’une Basilique.
    Oran compte beaucoup d’autres endroits, sites, édifices et monuments qui méritent un coup d’œil. Une virée sur la Corniche, parsemée de complexes touristiques, de restaurants et de « boites à musique rai », est recommandée. Mais, pour réussir un « bon plan » touristique, il faudra songer à vous faire accompagner d’un Cicérone oranais de souche connaissant la ville, les alentours et leurs secrets.

    M.A. Himeur


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