• Reportage: Mohamed Arezki Himeur
    Le Cap, bimensuel, 1er août 2009, Alger


    La culture algérienne est présente, timidement il est vrai, en Allemagne. Elle est portée à bout de bras par une poignée de personnes, en majorité des compatriotes (et leurs conjointes allemandes) qui ont jeté l’ancre dans ce pays mais qui gardent encore, doit-on le souligner, l’Algérie dans les tripes.
    Des ressortissants allemands figurent aussi parmi ceux qui oeuvrent pour la promotion de la culture algérienne dans leur pays. Ses promoteurs, armés de leur seule bonne volonté, se démènent comme ils le peuvent pour faire connaître, découvrir et apprécier les différentes facettes culturelles de l’Algérie, en organisant des conférences, séminaires, tables-rondes, expositions, concerts de musiques et récitals de poésie.
    A Berlin, ces activités sont organisées, entre autres, par l’association Yedd (la main), les chanteurs Mokhtar Mechaï et Lamine Belaâla et leurs groupes de musiciens respectifs, le poète Boumédiène Missoum et le conteur Arezki Keddam. Ils sont presque seuls sur la place à oeuvrer pour faire connaître la culture algérienne.
    Le but de l’association Yedd est de promouvoir les échanges culturels et de rapprocher les artistes et les hommes de cultures algériens et allemands. Elle se propose de développer et d’encourager toute initiative allant dans ce sens. «A travers nos expositions, lectures, présentations de films et manifestations culturelles, nous visons une perception plus objective de l’Algérie», souligne sa présidente, Mme Christine Belakhdar, dans la présentation de l’association. Yedd a déjà plusieurs initiatives à son actif : des expositions, conférences et rencontres avec des écrivains et artistes algériens organisées grâce au dévouement et aux sacrifices de ses membres.
    «Les Allemands apprécient la musique kabyle. Ils viennent chaque fois plus nombreux aux soirées musicales que j’anime à Berlin», nous a confié Mokhtar Mechaï. Ce jeune homme, originaire d’El-Kseur (Béjaïa), est installé à Berlin depuis 1995. Il a créé un groupe de musique moderne avec des musiciens originaires de différentes régions d’Algérie.
    Tout en travaillant pour subvenir aux besoins de leurs familles, Mokhtar et les autres éléments de son groupe organisent régulièrement des soirées artistiques dans certains restaurants et salles de spectacles de la capitale allemande. Ils ont participé à une manifestation qu’on appelle la Fête de la rue et assurée une belle prestation musicale à la Maison des cultures du monde de Berlin.
    M. Mechaï est venu à la chanson par un pur hasard. «Comme je joue de la musique, des compatriotes m’ont poussé et encouragé à chanter, à animer des soirées. C’est comme ça que je suis devenu chanteur», dira-t-il. Son premier gala remonte à quatre ans. Il l’avait animé à Isotop, un restaurant qui fait aussi office de galerie d’exposition tenu par un Iranien, dans le coeur de Berlin. C’est lui qui avait inauguré les spectacles dans cet établissement.

    La culture rapproche les émigrés algériens et les communautés

    M. Mechaï interprète des chansons kabyles, chaâbi et raï. Ses concerts permettent de rassembler, l’espace d’une soirée, les algériens vivants à Berlin. La communauté algérienne établie dans cette ville et ses alentours est estimée à quelques 3.000 personnes, sans compter les «clandestins», ceux qu’on appelle les «harraga», qui sont, eux aussi, assez nombreux dans la ville. M. Mechaï envisage de se produire dans d’autres villes d’Allemagne. «J’ai reçu plusieurs invitations de compatriotes installés notamment à Frankfurt, Hambourg etc.», nous a-t-il confié.
    L’établissement Isotop envisage d’organiser une série de soirées pour faire connaître tous les genres musicaux algériens. Le 8 mai 2009 a été consacré au malouf. Le concert a été animé dans une petite salle sympathique par Lamine Belaâla et son frère Mérouane, venu spécialement de France pour la circonstance, ainsi que par Réda Bendib. Des soirées kabyles, algéroises, oranaises etc. sont au programme à Isotop, selon Lamine Belaâla.
    Boumédiène Missoum est porté sur la poésie. Il avait lu quelques poèmes de sa production à l’ouverture du concert de musique malouf animée par Lamine Belaâla et son groupe. 
    Licencié en littérature arabe, enseignant de grammaire arabe lorsqu’il était en Algérie, Arezki Keddam s’intéresse, lui, plutôt aux contes. Il en a traduit deux de l’allemand vers le kabyle. Il anime régulièrement lui aussi, avec son épouse, une allemande, des lectures de contes simultanément en kabyle et en allemand.
    Ses travaux de recherches lui ont permis d’acquérir, à un prix fort, trois ouvrages de contes kabyles traduits en allemand entre 1920 et 1922 par Leo Viktor Frobenius qui avait séjourné en Kabylie. Cet ethnologue allemand était l’un des premiers chercheurs du vieux continent à contester l’idée selon laquelle les peuples africains vivaient comme des sauvages et que la colonisation leur avait apporté la civilisation.
    C’est cette idée saugrenue que certains politiques français ont tenté de remettre au goût du jour à travers le fameux article 4 de la loi du 23 février 2005 louant «les bienfaits de la colonisation française» en Afrique du Nord.

    M. A. H.


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  • Reportage: Mohamed Arezki Himeur
    Le Cap, bimensuel, Alger


    Nante est toujours là. Son passé, ses histoires, sa bonhomie, ses commentaires parfois caustiques, corrosifs, mais toujours plaisants et distrayants, flottent, comme une musique douce, sur Berlin. Son image et son portrait hantent encore, par endroit, les artères et les murs de la ville. Nante n’était ni un artiste, ni un homme de lettre, ni un philosophe comme l’Allemagne en a connu et en connaît encore aujourd’hui.
     Il était tout juste un «hittiste» avant la lettre, adossé ou appuyé, du lever au coucher du soleil, à un mur de Berlin, à l’angle de l’ancienne rue Konigstrasse, actuellement Friedrichstrasse.
    C’était son coin préféré, son quartier général pour ainsi dire. C’était ici qu’il avait l’habitude de s’installer, sa sangle en cuir en bandoulière, attendant que quelqu’un lui confie du travail : une caisse, une valise, un meuble à transporter sur son dos voûté.
    Nante était en effet un portefaix. C’était son travail, sa principale activité, celle qui le fait vivre, plutôt survivre. Mais en attendant que quelqu’un fasse appel à ses services, il commentait, à sa manière, avec dérision et l’humour populaire berlinois, les faits et les évènements du jour. «Une bonne blague berlinoise vaut mieux qu’un beau paysage», disait le philosophe Friedrich Hegel (1770-1831).
    Le légendaire et immortel «hittiste» de Berlin, Ferdinand Strumpf, plus connu sous le nom d’Eckensteher Nante, est né en 1803. Son histoire avait été portée sur les planches en 1833 par l’écrivain Adolf Glassbrenners. Son rôle de personnage loustic, plaisantin, coquin, aigre-doux, avait été interprété avec brio par le comédien Friedrich Beckmann, selon les gazettes de l’époque. La pièce, qu’on peut traduire gauchement par «Nante sous interrogatoire», évoquait les déboires quotidiens de cet homme avec la police. Pourtant, Nante était des plus réglo. Il ne travaillait pas dans la clandestinité. Bien au contraire, il disposait d’une licence officielle l’autorisant à exercer son activité de portefaix.
    Le document, portant le numéro 22, était délivré par la police qui ne cessait de l’importuner, de l’agacer avec leurs interrogatoires. Eckensteher Nante fait partie des personnages originaux de Berlin, au même titre, sinon plus que la fleuriste, le joueur d’orgue de barbarie et le Capitaine de Köpenick, de son vrai nom Wilhelm Voigt. Cet artisan cordonnier, fatigué de réparer les godasses, avait eu un jour l’idée de se faire coudre un bel uniforme de colonel prussien.
    L’accoutrement, qui lui allait comme un gant, lui avait permis de s’accaparer de la caisse de la mairie. C’était en 1906. Le fameux Capitaine de Köpenick avait commis son forfait grâce à la crédule et naïve complicité d’un groupe de gendarmes obéissants sans broncher à l’uniforme. Arrêté puis condamné, il avait été gracié par l’empereur Guillaume II. Celui-ci en avait bien rigolé, comme tous les Berlinois de l’époque, de l’incroyable facilité avec laquelle le faux capitaine avait pris le commandement d’un groupe de gendarmes et subtilisé la caisse de la municipalité. Une action considérée par certains comme une boutade, une facétie contre le respect de l’uniforme prussien et l’esprit de soumission qui régnait à l’époque sous le régime de l’empereur de Guillaume II.
    C’est l’une des lectures qu’on peut faire aujourd’hui de ce cocasse fait-divers qui fait encore rire les Berlinois 103 années plus tard. Une statue de cet audacieux capitaine de Köpenick est visible, aujourd’hui, à la mairie du quartier de Köpenick, au sud-est de Berlin.
    Il s’agit-là de deux personnages mythiques, de référence que le touristique se doit de connaître avant de commencer à parcourir, dans la bonne humeur, la ville. Une ville qui s’étend sur une superficie de quelque 900 km2, plus grande que Londres et Paris, dont un tiers est composée de jardins, de parcs, de zoos, de verdure pleine la vue, de lacs, de fleuves et autres cours d’eau.

    Un tiers de Berlin en verdure

    Les Berlinois vouent un grand respect à la verdure. «Il ne viendra jamais à l’esprit d’un Berlinois de couper ou d’arracher un arbre pour construire une maison ou un garage», dira Mokhtar Mechai, un jeune algérien établi à Berlin depuis le milieu des années 90.
    «A Berlin, avant la construction d’une bâtisse, (immeuble, hôpital, école ou autre bâtiment), on fait d’abord le plan verdure et des arbres à planter sur les lieux», ajoute M. Mechai qui, en plus de son travail, éprouve un réel plaisir à animer des soirées artistiques typiquement algériennes dans la capitale allemande.
    «Un jour, quelques temps après mon arrivée ici, je traversais un parc et j’ai vu un homme qui plaçait des numéros sur les arbres. Je lui ai demandé pourquoi, à quoi peuvent-ils servir. Il m’avait répondu : c’est un numéro d’identité. Il permet de suivre la vie, l’évolution, la santé, l’âge de l’arbre concerné depuis sa plantation jusqu’à sa mort», dira son ami Arezki Keddam. «C’est pour vous dire que l’arbre ici est aussi chéri qu’un bébé et un être humain», souligne-t-il.
    Les espaces verts, avec leurs arbres touffus et élancés dans le ciel, donnent l’impression qu’ils occupent une place plus importante que les espaces construits. Dans certains quartiers de la périphérie de Berlin, les bâtisses sont éparpillées à travers des forêts d’arbres et d’immenses étendues de verdure.
    Il doit certainement y avoir un lien entre ce décor apaisant et le comportement serein et calme des Berlinois et des gens qui vivent à Berlin. En l’espace d’une semaine, un seul coup de klaxon a été entendu. «Une fausse note», dira ma consoeur Claudia. Tout le monde respecte la loi et les règles établis : les automobilistes, les cyclistes et les piétons. Le bruit est banni dans la ville. Il est déclaré hors la loi et pourchassé comme tel, non seulement par les services de sécurité mais aussi par les citoyens. Le respect de la tranquillité d’autrui fait partie des moeurs des habitants de Berlin, qu’ils soient d’origine ou d’adoption.
    Contrairement à l’idée reçue, Venise n’est pas la ville qui compte le plus grand nombre de ponts dans le monde. La première place revient à Berlin. La ville est traversée par près de 1.650 ponts au total qui sont, pour la plupart, des joyaux sur le plan architectural. C’est la plus vaste d’Europe. Mais elle ne compte que 3,5 millions d’habitants seulement.
    Le mur qui avait coupé Berlin en deux (Berlin Est de Berlin Ouest) pendant 28 ans a disparu. Sa chute en novembre 1989 marqua la fin de la guerre froide pour le monde et la réunification de leur pays pour les Allemands. Mais des restes de ce mur sont encore visibles en certains endroits. Ils sont préservés pour l’Histoire, pour la mémoire, pour qu’il n’y ait «plus jamais ça» à l’avenir.
    Des pans entiers de ce mur, long de 1,3 kilomètre, sont maintenus debout, en plein centre de Berlin. Ils sont transformés en galerie d’art à ciel ouvert. Plus que 100 artistes y avaient laissé libre court à leur imagination et à leurs pinceaux, faisant de ce mur de la bêtise humaine une immense toile artistique.
    Des travaux sont actuellement en cours pour donner un nouveau look à cette galerie. Les mêmes artistes peintres sont conviés, une nouvelle fois, à reprendre leurs pinceaux pour retapisser de leurs oeuvres les panneaux de ce mur. Une artiste peintre était déjà à l’ouvrage lors de notre passage le 12 mai 2009.
    La fin de la Seconde Guerre mondiale avait été annoncée par un soldat soviétique en 1945. Celui-ci avait hissé le drapeau rouge sur le toit du Reichstag. Ce fut la fin du 3ème Reich.
    La culture, ce n’est pas ce qui manque à Berlin. Il y en a de tous les genres et pour tous les goûts. Entre un musée et un théâtre, on trouve une salle de spectacle ou un cinéma, pour paraphraser une phrase bien de chez nous. Et il n’est pas rare de tomber sur une chaîne, une longue queue, pas devant le boulanger, le laitier ou le marchand de pomme de terre. Mais à l’entrée d’un théâtre ou d’un musée.

    Une «brasserie de la culture»

    Berlin est une ville des arts et de culture. Elle renferme entre ses murs des centaines, voire des milliers, d’artistes allemands mais aussi étrangers, notamment des ex-pays de l’Est, particulièrement Russes. Des artistes de grands talents qui, pour cause de chômage qui les touche de plein fouet, jouent avec beaucoup de coeur, sur certaines artères de la ville ou à l’angle des théâtres, des salles de spectacle ou des églises. La musique adoucit les moeurs et attendrit les coeurs.
    L’Ile aux musées draine, chaque jour, des milliers de touristes étrangers et de visiteurs allemands. Elle compte plusieurs musées dans lesquels sont exposés des vestiges des grandes civilisations : persane, romaine, irakienne, égyptienne etc. Les lieux ne désemplissent pas. Une demi-journée par semaine, l’entrée est gratuite pour tout le monde. Elle est offerte surtout aux étudiants et aux moins nantis. Car, les Allemands le savent, on peut être pauvre mais aimer les arts et la culture.
    Le journaliste, lui, quelle que soit sa nationalité, est dispensé des droits d’entrée. Ignorée par les services officiels et les agents de l’Etat algérien, la carte d’accréditation délivrée aux correspondants de la presse étrangère par le secrétariat d’Etat chargé de la communication est valable à l’Ile aux musées. Ce n’est pas une blague !
    Les activités culturelles et artistiques, comme du reste les activités économiques, sont soutenues par des moyens de transports efficaces. Les trains urbains, le métro, le tramway et les bus tournent sans interruption, jour et nuit, avec juste un service réduit entre 01H00 et 04H00. Ils desservent tous les quartiers, toutes les directions et localités de la périphérie de Berlin. Cela joue, mine de rien, un rôle important pour la promotion des activités culturelles, artistiques et… culinaires.
    On peut, par exemple, aller voir un film ou un spectacle, puis déjeuner et bavarder avec des amis avant de rejoindre son domicile à bord de l’un des moyens de transport public opérant à Berlin. Dans pareil cas, les activités de l’esprit, pour ne citer que de celles-là, ne peuvent que se développer. En bout de course, une vieille bâtisse, une usine désaffectée ou un ancien entrepôt peut, du jour au lendemain, devenir une salle de spectacle, un cinéma, une galerie d’exposition ou autre.
    Comme cette ancienne brasserie qui, au lieu d’être démolie et livrée à un promoteur immobilier, a été transformée en un complexe culturel et artistique comprenant des salles de cinéma, de concerts de musique, de galeries d’expositions et de restaurants. Ce complexe s’appelle aujourd’hui «Kulturbrauerei» (Brasserie de la culture).
    Plus loin, dans un autre quartier, c’est l’immeuble de «das Postfuhamt», qui abritait autrefois le Centre et les écuries des postes et télécommunications, qui ont été transformées en galeries d’exposition. Le débat est en cours à Berlin sur le devenir de l’aéroport désaffecté Tempelhof inauguré en 1923. Il est implanté en ville. Il est l’un des premiers aéroports d’Allemagne. Certains voudraient le voir transformer en complexe culturel et artistique. Et les anciens hangars utilisés hier pour retaper les avions pourraient devenir, demain -si l’idée est acceptée- un autre haut lieu de culture dans la capitale allemande.
    Tout récemment, cet aéroport désaffecté a abrité les épreuves du championnat du monde des coursiers à bicyclettes. Ce mois de juillet 2009, il sera mis à la disposition du Festival musical de Berlin pour les jeunes. Ce sera dans ce même endroit que se déroulera, en automne prochain, le tournoi de jumping équin.
    Ville plate comme la paume d’une main, c’est du moins l’impression qu’elle donne, Berlin ne fatigue pas son visiteur. Mais comme dit le proverbe, qui veut aller loin ménage sa monture. En guise de halte, le visiteur peut grimper sur la nouvelle coupole vitrée et la terrasse de l’Assemblée fédérale. C’est l’endroit idéal pour admirer Berlin, surtout lorsque le beau temps est au rendez-vous et le ciel dégagé.
    L’édifice, avec ses 23,5 mètres de hauteur et ses 68 mètres de diamètre, permet une vue splendide et superbe sur la ville. Ouvert jusqu’à minuit, il accueille chaque jour des milliers de visiteurs, Allemands et étrangers confondus.
    De là, on peut contempler plusieurs quartiers et bâtisses historiques de la ville, y compris la «Machine à laver». C’est le nom que les berlinois ont donné à la Chancellerie fédérale. Le bâtiment abrite le grand bureau de 4 mètres de long et de 1,3 mètre de large de l’actuelle chancelière Angela Merkel, comme de ses prédécesseurs. Il compte des dizaines de bureaux, de salles de réunion et de conférence ainsi qu’un appartement.
    «C’est une machine à laver politiquement correcte et respectueuse de l’environnement. Elle est équipée d’une centrale électrique au biodiesel installée dans la cave et de cellules solaires sur le toit», souligne le guide d’un bateau pour touristes qui fait la navette sur le canal la Spree.
    Autre particularité technique de cette bâtisse dans laquelle travaillent quelques 450 personnes «est son réseau pneumatique informatisé qui vous envoie au poste de contrôle de sortie les objets que vous pourriez avoir oubliés au 6ème étage», ajoute le guide.

    «L’huître enceinte» des cultures du monde

    A quelques centaines de mètres de là se trouve la Maison des cultures du monde où sont organisées, régulièrement, des manifestations artistiques et culturelles des différents continents. La bâtisse n’a pas échappé, elle aussi, à l’humour berlinois. Cette ancienne salle des congrès est flanquée d’un  surnom plus connu que son vrai nom. Les Berlinois, qui semblent avoir encore du sang du «hittiste» Nante dans les veines, l’appellent «l’Huître enceinte». D’autres la surnomment «le Sourire de Jimmy Carter».
    La Maison des cultures du monde est implantée à Tiergarten, une ancienne forêt qui fut, au temps du règne de l’aristocratie, une réserve de chasse. Elle a été construite dans les années 50 avec l’aide des Etats-Unis d’Amérique. Aujourd’hui, la forêt est devenue un vaste jardin public dans lequel se prélassent les Berlinois, sur l’herbe, à l’ombre d’arbres géants ou sur les berges de la Spree.
    Au centre de Tiergarten se dresse la longue colonne de la Victoire sur laquelle trône la déesse Victoria, surnommée par les Berlinois «Goldelse» (Else -abréviation de Elisabethen -en or), haute de plus de 8 mètres et pesant 35 tonnes. La colonne de 69 mètres de hauteur, érigée entre 1865 et 1873, «commémore les victoires plutôt rares», selon notre guide, des Prussiens au 19ème siècle contre les Danois (1864), les Autrichiens (1866), les Français (1870-1871).
    Cette dernière victoire «a été d’une importance particulière pour la Prusse. Elle avait permis au roi de Prusse de devenir empereur de l’Allemagne. Le chancelier Bismarck a joué dans ce processus un rôle décisif », estime-t-il.
    Il n’y a plus de chasseurs à Tiergraten aujourd’hui. Pourtant, ce n’est pas le gibier qui manque. L’endroit est encore fréquenté par toutes de sortes d’oiseaux, des lièvres et des renards. «On a même trouvé un jour des traces de sanglier près de Reichstag», nous a susurré à l’oreille, via les écouteurs, le guide.
    «Tiergarten veut dire jardin des animaux. Il ne faut pas le confondre avec le parc zoologique, qui est dans la partie ouest de la ville, qui n’en occupe qu’une toute petite partie. Il n’a rien à voir non plus avec le Tierpark qui, lui, se trouve dans la partie est de la ville », ajoute-t-il. Le «Parc des animaux» avait été créé en 1954 dans le château Friedrichsfelde construit en 1694.
    Les traces de la Seconde Guerre mondiale sont encore visibles dans certains endroits de la ville, comme à Am Kupfergraben et Dorotheenstrasse. Les murs portent encore les cicatrices, les impacts de balles et des bombes. L’immense Tiergarten n’avait pas échappé, lui aussi, à la furie des hommes. Une partie du parc avait même servi de piste d’atterrissage et un poste d’observation avait été installé au sommet de la colonne de la Victoire.
    Pendant la guerre, les Berlinois, contraints par la faim et le froid, avaient fait de ce parc une réserve de bois de chauffe. Ils avaient aussi transformé quelques 2.500 parcelles de terre en potagers, pour planter des pommes de terre et des légumes. A la fin des hostilités, il ne restait que 700 arbres sur les 200.000 que comptait le parc, d’après le guide. Mais Tiergarten a été reconstitué et ses 200 hectares entièrement reboisés. L’opération avait duré dix bonnes années, de 1949 à 1959.

    La Spree : fleuve paisible d’un Berlin trépidant

    De temps à autre, au détour d’un château ou parfois d’un jardin public, on tombe sur des inscriptions hors contexte, «en français dans le texte». C’est le cas de «Mon bijou», «Bellevue» ou autre «Sans souci». Les châteaux portant ces noms datent de l’époque de Frederick Legrand «qui parlait mieux français que l’allemand», d’après le guide du bateau qui tourne dans la Spree comme un oiseau dans une cage.
    «Même la grande Catherine, tsarine de Russie, préférait le français au russe, alors qu’elle était allemande. Au 18ème siècle, le français était la langue de prédilection de l’aristocratie en Europe», souligne-t-il.
    Encore et toujours de l’humour berlinois. Lors du transfert du gouvernement allemand de Bonn à Berlin, les autorités ont construit une cité, visible encore aujourd’hui, destinée à loger les députés et les fonctionnaires. Les Berlinois appellent cet ensemble de bâtiments résidentiels dépourvus de balcons «le serpent aux fonctionnaires» parce qu’il ressemble à un serpent en mouvement.
    La Spree est un long fleuve de près de 400 km qui prend sa source au point de rencontre des frontières allemande, tchèque et polonaise. «Un fleuve paisible qui traverse Berlin en rampant à 10 centimètres par seconde seulement, alors que Berlin a la réputation d’être une ville trépidante», dit le guide avec une pointe d’humour.
    Au cas où le touriste s’égare, perd le sens de l’orientation, il a au moins un repère infaillible de se retrouver : la Tour de la télévision. Avec ses 368 mètres de hauteur, cette tour, qui abrite aussi un restaurant, est considéré comme le plus haut édifice de Berlin. Elle est visible de partout et offre, une vue imprenable et fabuleuse sur la ville belle et attachante.

    M. A. H.



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  • Une brasserie désaffectée transformée en Complexe culturel.


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  • La maison des cultures du monde


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  • Un pan du mur de Berlin pour mémoire et l'histoire.


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