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  • Le poète kabyle Mohamed Ben Hanafi, décédé le 5 mars 2012 à l'âge de 85 ans.


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    Par: Mohamed Arezki Himeur
    Le Cap, bimensuel, n° 43 - mai 2010

    Le diagnostic est établi depuis longtemps. La chanson chaâbi n’arrive pas à sortir du carcan dans lequel elle est enfermée. En dépit des bouleversements et des troubles connus par l’Algérie, dont la «décennie rouge», elle continue son petit bonhomme de chemin en évoluant en marge, pour ne pas dire loin des préoccupations, des joies, des peines et des espoirs des Algériens. Résultats : son auditoire stagne, lorsqu’il ne régresse pas.
    La musique chaâbi peine à se faire entendre. C’est le cas de le dire. Elle est étouffée, malmenée par les autres genres de musiques, plus proches de la vie de tous les jours des Algériens, notamment de la jeunesse qui constitue l’écrasante majorité de la population. Des genres de musiques qui évoquent, expriment, parfois crient et hurlent les préoccupations d’une jeunesse en perte de repères, angoissée par des lendemains dont elle ne tient pas le gouvernail et n’arrive pas à comprendre, à saisir les tenants et les aboutissants.
    Un constat admis aujourd’hui, y compris parmi ses pratiquants et ses spécialistes. «Il faudra que ce genre musical s’ouvre à la société, puisse un peu refléter ses préoccupations, ses joies et ses peines», dira l’écrivain et chercheur Abdelkader Bendameche, réputé pour ses travaux de recherches et d’analyses sur la chanson chaâbi.
    C’est, du reste, l’un des objectifs du Festival national de chaâbi, fondé en 2005, dont il est commissaire. Parmi les missions principales de cette institution figurent, en bonne place, celles d’établir l’état des lieux, de réunir les artistes et les amoureux de ce genre musical, de collecter tout ce qui a été écrit, dit, composé et chanté sur et dans le chaâbi. Il s’agit, en fin de compte, d’assurer la sauvegarde et la préservation de ce genre, de permettre sa perpétuation et sa transmission, par le biais des jeunes, aux générations futures. Il s’agit aussi de savoir qui a fait quoi et qui fait quoi aujourd’hui dans le chaâbi.
    Bien évidemment, le Festival ne se limitera pas à réunir la famille artistique du chaâbi, à collecter et assembler les compositions et les textes anciens. Son rôle est, aussi et surtout, d’ouvrir ce genre musical à «de nouvelles compositions, à des textes nouveaux et vers des perspectives de créations nouvelles», estime M. Bendameche. «C’est un grand chantier», ajoute-t-il.
    En un mot, il faudrait secouer le cocotier. Mais le travail n’est pas aisé. Il n’est pas facile à réaliser. Parce que la tâche risque de froisser, heurter et voire offusquer les certitudes de certains, de déplaire à d’autres, notamment aux conservateurs et autres partisans de la conservation, telle quelle, de la musique chaâbi. Ceux-ci craignent que les mutations, les améliorations et les changements n’altèrent la pureté et la sensibilité du chaâbi qu’ils ont connu, apprécié et aimé depuis de nombreuses décennies.
    La 5e édition du Festival national de chaâbi se propose, avec l’aide de spécialistes et d’artistes de renom, de s’ouvrir à la chanson de création «Ce sont les lauréats des quatre précédentes éditions de ce Festival qui vont interpréter des textes nouveaux et des musiques nouvelles. Le premier qui s’est engagé dans cette initiative, c’est Kamel Hamadi, qui a promis une ou deux compositions pour les deux premiers lauréats du Festival national de chaâbi de l’année dernière», nous a confié M. Bendameche.

    Le chaâbi : une musique délaissée

    Il est vrai que la musique chaâbi n’a pas bénéficié d’une aide nécessaire de la part des institutions publiques, de la radio et de la télévision pour son épanouissement. «Les pouvoirs publics d’une manière générale ont quelque peu délaissé ce genre musical» et «il n’y pas eu de travail de répertorisation, de classification et d’enregistrement», selon M. Bendameche.
    El Hadj M’hamed El-Anka avait, par sa personnalité artistique, sa notoriété, gêné l’émergence, l’éclosion de nouveaux talents. Il a été «l’arbre qui a caché la forêt de ce genre musical et des autres genres également. Le chaâbi est associé au nom d’El-Anka, alors qu’El Anka n’était qu’un grand chanteur qui avait apporté lui-même son génie créateur, sa dextérité dans l’exécution instrumentale et musicale etc. Il avait un peu bouché les angles pour beaucoup de gens. On disait : personne ne pouvait faire comme lui. Donc, le genre était bloqué», dira M. Bendameche.
    «Ce genre est resté aussi bloqué par les conservateurs, comme dans toutes les sociétés, toutes les générations soucieuses de maintenir et de sauvegarder leur genre musical. Le chaâbi est développé à un moment donné par des jeunes -El Anka était jeune en 1927, 1928 et 1930- et les gens qui ont aimé ce genre-là l’ont transporté, trimballé avec eux jusqu’à leur vieillesse. Il est resté le même. Il n’a pas changé et ils n’ont pas voulu que ça change. Parce que ça leur rappelle l’histoire, leur jeunesse etc. Ils ont gardé les bonnes et les mauvaises choses de cette musique. Par souci de sauvegarde, par souci aussi de conservatisme parfois négatif. Le résultat, on le constate aujourd’hui», estime M. Bendameche.
    Le constat auquel fait allusion M. Bendameche a un nom : la stagnation. Pourtant, le chaâbi avait «cassé tous les tabous vers les années 1927, 1928 et 1929. Je pense à «Lehmam li rebbitou», à «Rfed sebbat ou mchi» et à «Aghriv d’avarrani» venu plus tard. Je pense à toutes ces chansons populaires qui reflétaient les sentiments d’un moment par rapport à une population du moment, qui écoutait un produit d’un artiste du moment. Parce que l’artiste doit être le miroir de la société», relève M. Bendameche. La stagnation a fait du chaâbi une musique «restée immuable, classifiée, momifiée, qui ne change pas», dira-t-il «Donc, il faut casser», ajoute-t-il, ouvrir des brèches pour permettre l’éclosion de ce genre musical. Des chanteurs qui ont pris des initiatives dans ce sens ont réussi, dit-il. Il cite, à titre d’exemples, Kamel Messaoudi et El-Hachemi Guerrouabi.
    Le mimétisme, «l’appropriation» des personnes qui ont réussi, ont encore de beaux jours devant eux, déplore M. Bendameche. «On a des jeunes chanteurs qui copient. On a des photocopies d’El-Hachemi Guerrouabi. Je ne sais pas s’ils vont réussir. On ne connaît même pas leurs noms parfois. Ils copieront pendant un moment ensuite ils s’arrêteront», selon M. Bendameche. «Mais, El-Hachemi Guerrouabi restera un grand artiste, avec son génie créateur lui aussi», estime-t-il. Pour lui, un jeune chanteur qui veut réussir doit se former, se frotter au patrimoine, acquérir quelques données de base et créer lui-même au lieu d’être une pâle copie d’un autre.
    Bien entendu, comme tous les autres genres de musiques, le chaâbi est touché, lui aussi, par le plagiat et les reprises. «Il y a une grande institution qui s’appelle l’ONDA (Office national des droits d’auteurs), qui est une institution magnifique, qui est utile dans la société de création comme la nôtre. Mais sur le terrain ça ne marche pas», regrette M. Bendameche.

    Le plagiat : une herbe sauvage

    Aujourd’hui, le plagiat et les reprises font de grandes saignées dans la production culturelle et intellectuelle en Algérie. Ils sont parfois encouragés par les médias, notamment la télévision et la radio, qui diffusent les reprises et invitent les «repreneurs» sur leurs plateaux. Ce phénomène se développe lorsqu’il y a un manque d’auteurs et de compositeurs, qui se retirent du circuit artistique pour différentes causes et raisons, notamment pour absence d’encouragements au profit des créateurs. «Quand on ne cultive pas un champ, quand on ne l’entretient pas, on ne l’arrose pas, à la place d’une bonne culture, vous trouverez de l’herbe sauvage», estime M. Bendameche. «Le plagiat, nous l’avons un peu encouragé parce nous avons laisser-faire», ajoute-t-il.
    La radio joue un rôle important dans le domaine de la musique. «D’ailleurs, quand on traite de la musique, de l’histoire de la musique, on trouve un peu partout la radio : la radio a fait ça, la radio a dit çà, la radio a développé ce genre musical et tel autre genre. La radio est là, comme un catalyseur», selon note M. Bendameche. «Elle a été utilisée un peu pour diffuser certains genres musicaux qui ont connu beaucoup de succès, mais au détriment de notre identité, au détriment de la valeur réelle de la production musicale utile pour le développement d’une société comme la nôtre», ajoute-t-il.
    Le chaâbi est un genre musical situé entre l’andalou, le haouzi et le kabyle, selon M. Bendameche. «C’était un genre nouveau à l’origine, dans le sens de sa contexture et de sa forme. On ne le connaissait pas comme cela avant. Il s’est développé avec chaque chanteur. Et chaque chanteur ajoutait une touche personnelle. El Hadj M’hamed El-Anka chantait différemment que Hadj Nador qui était pourtant son maître», dira M. Bendameche.
    Hadj M’hamed El-Anka «avait donné naissance à une pléiade d’artistes plus tard qui ne chantaient pas forcément comme lui, comme Hadj M’rizak, Khelifi Belkacem, Hadj Menouar et plus tard El-Achab et Hassen Saïd. Chaque personnalité donnait une identité, une empreinte à ce genre de musique. C’était devenu un arbre aux multiples tentacules et branches qui donnaient vie à un genre musical qui n’avait pas de nom», ajoute M. Bendameche. C’était Boudali Safir, qui était, au milieu des années 40, responsable du département artistique des émissions de langue arabes et kabyles (ELAK), qui lui avait donné l’appellation de musique chaâbi.
    En fait, le terme chaâbi veut dire aussi populaire. Il était accolé à tous les genres de musiques tels que le bédouin, le kabyle etc. «Le genre qu’on appelle aujourd’hui chaâbi n’avait pas une appellation précise sur le plan scientifique du terme. On était allé jusqu’en 2004 avec cette appellation à califourchon entre un genre musical et un autre», relève M. Bendameche.
    Puis, en 2005, lors de la création du Festival national de chaâbi, le mot «chaâbi», invariable, est consacré comme appellation officielle de la musique du même nom. «Le mot chaâbi est consacré à cette musique que fait Amar Ezzahi, El-Hachemi Guerrouabi et bien d’autres», souligne-t-il.

    Réhabiliter le patrimoine musical

    L’intérêt d’Abdelkader Bendameche pour la chanson chaâbi ne date pas d’hier. Il a été lui-même artiste (comédien puis interprète) dès le début des années 60, avant de bifurquer, plus tard, vers le journalisme. Une activité qui lui a permis de collecter, de recueillir des informations, des textes et des chansons de nombreux grands artistes algériens, vivants ou disparus. Il a publié et diffusé leurs biographies dans le quotidien «El-Moudjahid» et à la radio.
    C’est ce travail de recherche, qui a nécessité des années de labeur, qui a servi de matrice à la publication, en 2003, du premier tome de «Les grandes figures de la musique algérienne». L’idée d’éditer un livre remonte aux années 90 et 91. C’était l’aboutissement des efforts fournis pendant de nombreuses années. Le quatrième tome de cet ouvrage sortira bientôt. «J’ai prévu de réaliser en tout cinq tomes. Chaque tome comprend 75 artistes. Après, je vais arrêter. Parce que je n’ai qu’une seule vie et je voudrais vivre un petit moment», dit M. Bendameche en riant.
    Mais, comme on dit, ce n’est pas demain la veille. «On a toute la mort pour dormir», pour reprendre le titre d’un film du cinéaste mauritanien Med Hondo. Abdelkader Bendameche va poursuivre le travail déjà entamé sur les grands chanteurs algériens. Un travail qui consiste à réaliser des coffrets dans lesquels sont rassemblés les chansons, les textes, les poèmes, les compositions et des renseignements biographiques des chanteurs.
    «Cette démarche s’inscrit aussi dans la ligne que je me suis tracé sur les biographies d’artistes. Quand on rédige des biographies d’artistes, on se penche sur leur patrimoine, sur ce qu’ils ont fait, écrit et composé. On se penche aussi sur leurs enregistrements, les disques édités, sur leur vie tout simplement. Chaque coffret est accompagné d’un livre contenant tous les textes de chaque chanteur», dit M. Bendameche.
    Cette opération, intitulée «Collection patrimoine musicale en Algérie», a déjà permis la réalisation de quatorze coffrets consacrant 35 grandes figures de la musique algérienne, dont un seulement est encore en vie. Cette deuxième phase s’intéressera aux artistes encore vivants pour la majorité d’entre eux. Une démarche visant à réhabiliter le patrimoine musical algérien dans toute sa diversité.

     M. A. H.


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  • Par : Mohamed Arezki Himeur

     

    Le Cap, n° 43 – du 16 au 31 mai 2010

    Le 26 septembre 1949, à 21 heures, il pleuvait à torrent. C’est cette nuit-là, sous une pluie diluvienne, que débarque sur la planète Terre Abdelkader Bendameche. Il a atterri à Mazaghran, une ville historique qui a été le théâtre de deux grandes batailles, l’une au 16e siècle, contre les Espagnols et l’autre,  en 1840, contres les forces coloniales françaises. Mazaghran est l’arrière-pays de Mostaganem, la ville des mimosas.
    Artistiquement, il est né dans l’euphorie de la joie de l’Indépendance, dans le milieu des scouts musulmans. Il a fait ses premières armes dans le théâtre, avant d’aller vers la musique moderne en tant qu’interprète puis vers le chaâbi, milieu dans lequel il avait côtoyé une pléiade de cheikhs.
    M. Bendameche est issu d’une famille d’artistes, de cheikhate, tant du côté paternel que maternel. Les cheikhate les plus connues étaient cheikha Dahmana, qui existe dans l’histoire de la musique féminine de Mostaganem, et une Bendameche, élève de cheikha Dahmania.
    Abdelkader Bendameche s’était abreuvé à ces deux mamelles. «J’ai été à la bonne source.
    C’est ce qu’on appelait cheikhate leblad dans la chanson féminine de l’ouest algérien. Des cheikhate leblad qui veut dire des dames qui pratiquaient la chanson religieuse, la chanson j’allais dire pure, authentique, acceptée socialement, contrairement à une autre forme de musique féminine qui a été développée plus tard par le colonialisme», dira-t-il.

    A la bonne source

    Abdelkader Bendameche a été aidé dans son parcours, son cheminement artistique et culturel par plusieurs personnalités, dont Abderrahmane Kaki, Djillali Ben Abdelhlim, fondateur du théâtre amateur de Mostaganem et El-Hadj Bouzid Benslimane, fondateur de l’association Ennadi El-Hilal.
    Il s’est lancé dans la chanson professionnelle au lendemain du Festival da la chanson populaire auquel il avait participé en 1969. A partir de 1977, il décide de prendre une autre trajectoire, administrative celle-là. Il entre à l’Ecole nationale d’administration (ENA). «Je suis allé à l’ENA en plein succès artistique. Mes chansons se vendaient bien. J’étais une petite vedette à l’époque», dit-il. Un chanteur sur les bancs de l’ENA «était vraiment insolite», ajoute-t-il en souriant.
    L’ENA constituait en fait un cheminement logique. M. Bendameche, tout en étant chanteur, était aussi fonctionnaire. Il avait travaillé aux directions de l’agriculture de Chlef, de Mostaganem et de Sidi Bel-Abbès. Mais il était la plupart du temps en formation. Ce qui lui permettait de faire plus de musique que gratte-papier.
    Il avait été aussi journaliste. Il était correspondant du défunt quotidien «La République» basé à Oran dès le milieu des années 60. «Je rédigeais des petits bouts d’articles dans la rubrique des chiens écrasés, comme on dit. J’ai fais cette rubrique pendant très longtemps. J’écrivais sur tout ce que je voyais», dira M. Bendameche.
    Dans le même temps, il rédigeait les biographies d’artistes publiées, dès le début des années 80, dans «El Moudjahid». Mais c’est la radio, nous confie-t-il, qui lui a permis d’aller plus loin, de développer ce créneau, de multiplier les biographies contenues dans «Les grandes figures de la musique algérienne» édité la première fois en 2003. «C’est l’aboutissement d’un cheminement et d’un long travail», relève-t-il.

    M.A.H

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  • Par : Mohamed Arezki Himeur
    Liberté, 03 avril 2010

    L’ouverture, mercredi après-midi, du mini-festival de Tikjda a drainé une grande foule, estimée à au moins trois mille personnes. Certains spectateurs étaient venus en famille, avec femmes et enfants.
    Un décor féerique, enchanteur et naturel. Il est fait de montagnes imposantes, dénudées par endroits par l’érosion et les incendies, s’élançant à l’assaut du ciel, de cèdres, de pins et d’autres espèces d’arbres géants et plusieurs fois séculaires.
    C’est dans ce cadre que s’est déroulé, pendant trois jours (de mercredi à vendredi), le mini-festival culturel et artistique de Tikjda, une station climatique située à 1 478 mètres d’altitude, dans le Parc national du Djurdjura, dans la wilaya de Bouira (170 km au sud-est d’Alger). Le programme artistique concocté par les organisateurs était assez riche et équilibré. Il a été élaboré et mis en œuvre, conjointement, par la direction de la jeunesse et des sports de Bouira, la direction de la culture de la même wilaya et le Centre national des sports et loisirs de Tikjda (CNSLT).
    Cette manifestation est présentée comme étant le prélude à un prochain festival plus important. Celui-ci s’étendra sur au moins une semaine, avec une forte participation d’artistes. Il doit avoir lieu au début du mois de juillet dans cette partie sud du massif montagneux du Djurdjura. Tikjda mérite bien ça. Une belle initiative qui lui permettra de redorer son blason et de recouvrer sa magnifique image d’antan.
    Celle d’une station climatique qui drainait quotidiennement, en toute saison, des centaines de touristes et de visiteurs, Algériens et étrangers. D’ailleurs, depuis trois ou quatre ans, les choses commencent à s’améliorer.
    Le retour de la sécurité aidant, le nombre de touristes et de visiteurs ne cesse d’augmenter. L’ouverture, mercredi après-midi, du mini-festival, a drainé une grande foule, estimée à au moins trois mille personnes. Certains spectateurs étaient venus en famille, avec femmes et enfants. Lounis Aït Menguellet fut bien inspiré. Il a débuté son concert par la chanson D-nuvak frah (à ton tour de festoyer). Une sorte de clin d’œil au massif du Djurdjura qui commence à revivre, après avoir, lui aussi, durement souffert des affres de la décennie noire. L’organisation de ce mini-festival est une excellente idée. Une décision à applaudir des deux mains.
    Parce qu’elle est de nature à développer le tourisme, à encourager les visiteurs et autres excursionnistes à nouer ou à renouer le contact avec le Djurdjura, à venir nombreux visiter, contempler, admirer ses fabuleux sites tant loués et vantés par les artistes et les poètes. Parce que le Djurdjura, accessible de tous les côtés, constitue l’un des plus beaux sites touristiques de l’Algérie. “Elle est grande, elle est haute, cette montagne superbe : le majestueux Djurdjura (le Girgyris de Ptolémée) se dresse hautain par-dessus tous les contreforts barrant l’horizon d’une barrière infranchissable, portant vers le ciel sa longue chaîne d’où émergent, rocailleux, les Tamgout, les pics de Lalla Khedidja et autres, à 2 308 mètres d’altitude, les plus hauts sommets algériens après ceux des Aurès”, écrivait déjà, en 1893, A. Boyer, dans le bulletin de la Société de géographie et d’archéologie de la province d’Oran.

    Le Djurdjura fascinant et ensorcelant

    Le Djurdjura, que les Romains appelaient Mons Ferratus (montagne de fer), a vu toutes les tentatives d’invasion se briser à ses pieds, selon des historiens. “Il a vu passer et disparaître tous les envahisseurs, quand lui seul est resté debout et indompté !” selon M. Boyer. “De l’est comme de l’ouest, des tentatives de conquête ont été, certes, maintes fois exercées contre le Djurdjura, mais la résistance opiniâtre de ses habitants empêcha l’étranger envahisseur d’y prendre pied et d’y imposer ses volontés et ses lois. Jusqu’en 1857, ce Djurdjura a vécu libre et indépendant”, écrivait Amar ou Saïd Boulifa, dans un livre intitulé Le Djurdjura à travers l’histoire : depuis l’antiquité jusqu’à 1830, publié en 1925. La France n’a pu soumettre la Kabylie que 27 ans après le débarquement à Sidi Fredj, en juin 1830, de ses troupes composées de plus de 35 000 hommes.
    Et encore ! Les soulèvements, comme celui de 1871, s’étaient poursuivis. “Le Djurdjura a été le dernier asile de la liberté dans les temps anciens, lors des invasions successives qui se sont produites à différentes époques dans l’Afrique du Nord”, notait M. Bugeja, dans le bulletin de la Société de géographie d’Alger et d’Afrique du Nord (1933). “L’histoire impartiale est là pour dire que c’est injustement, c’est par un véritable abus de la force que cette contrée a été attaquée et soumise” par la France coloniale, soulignait M. Boyer.
    Résistant à toute domination, impitoyable avec les envahisseurs, le Djurdjura, malgré la rudesse de ses reliefs, est aussi une montagne pleine de tendresse et fascinante, qui, par la beauté de ses sites, hier comme aujourd’hui, séduit, ensorcelle et captive les visiteurs, les touristes et autres excursionnistes. Parlant du majestueux Djurdjura, un journaliste français écrivait en 1887 que “les torrents baisent ses pieds, les bois s’enroulent à ses genoux et tapissent les gorges alpestres, une ceinture de rocs géants se bouclent à sa poitrine et les neiges étincelantes comme un diadème ceignent son front d’un impeccable éclat”. C’est tout cela : l’histoire de la région, la beauté de ses sites touristiques, ses principaux cols, ses grottes, ses gouffres, ses vestiges antiques, sa faune, sa flore, ses différents aspects culturels et artistiques que le festival comme celui de Tikjda, une fois institué, peut faire découvrir et mettre en valeur.
    Le développement de cette partie du pays, compte tenu de ses reliefs, passe en grande partie par le tourisme.


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