• Interview réalisée par

    Mohamed Arezki Himeur


    Le Cap, revue bimensuelle, Alger

    Mme Farida Sellal est une passionnée de l’imzad. Elle parle avec amour et une grande sensibilité de cette musique millénaire targuie. Elle l’a découverte, pour la première fois, en 1978, alors qu’elle venait de commencer sa carrière professionnelle dans les télécommunications à Tamanrasset, capitale du Sahara algérien.  Depuis, l’imzad, qui a traversé des siècles, s’est incrusté dans ses veines et son coeur bat, depuis plus de 21 ans, aux rythmes de cette musique ancestrale targuie. Une musique, qui est comme toutes les cultures et traditions orales, menacée de disparition.

    Comment est née votre association «Sauver l’imzad» ?

    L’Association à but non lucratif «Sauver l’Imzad» a été créée et agréée par décision du Wali de Tamanrasset sous le N° 53/2003 en date du 27 octobre 2003. Comment est née notre Association et pourquoi cette dénomination «Sauver l’Imzad» ?
    Pour répondre franchement, je dois vous avouer que je suis retournée à Tamanrasset en  2003 et j’ai été rendre visite à M. Feu Hadj Moussa Akhamok chez lui. Je me rappelle de ce jour là lorsqu’il m’a parlé de la situation culturelle de la région et notamment de l’imzad. Il m’avait dit: «l’imzad est aux Touaregs ce que l’âme est au corps»….
    En fait, j’ai découvert cette culture en 1978, lorsque j’avais débuté ma carrière en télécommunications à Tamanrasset. C’est à cette époque que j’ai connu  M. Hadj Moussa Akhamok, l’Aménokhal des Touaregs, un personnage honorable avec un sens de la dignité et des valeurs morales exemplaires. Lorsque je l’ai revu en juin 2003, nous  avons évoqué les souvenirs de cette  période animée par les soirées d’ahal et il m’a parlé de la situation dramatique de l’imzad.
    C’est ainsi que je lui ai proposé de créer une association culturelle pour sauver le coeur de cette culture qui disparaissait d’année en année, et c’est pourquoi nous l’avons dénommée «Sauver l’Imzad». (cf. site web : www.imzadanzad.com),
    Lorsque l’Association fut créée. Il me remit solennellement un imzad que je garde à ce jour comme le bien plus précieux que je possède.

    Quels sont ses objectifs ?

    Les objectifs de l’Association «Sauver l’imzad» tournent autour de la sauvegarde, la préservation et la promotion de ce genre musical ancestral, visent essentiellement à créer un espace de préservation par la mise en place d’une école de formation tant dans le domaine musical avec l’apprentissage de l’imzad, dans le monde de la poésie touaregue que dans la fabrication de cet instrument ancestral.
    Ce qui implique les répercussions suivantes :
    — Les jeunes filles marginalisées par rapport au système d’éducation vont bénéficier d’une formation en renouant avec les traditions ancestrales et avec en prime une possibilité d’intéressement dans le cadre des activités socioculturelles organisées localement,
    — Les vieilles femmes virtuoses de cet art ancestral seront réhabilitées socialement ainsi que les vieux poètes détenteurs de cette culture orale. Ils vont constituer une référence tout en bénéficiant d’une rémunération valorisante et d’une prise en charge sociale,
    — La relance de la fabrication d’instruments musicaux et d’accompagnement à travers une reprise et une remise à jour de l’artisanat et de sa modernisation selon les critères de label,
    — La redynamisation de l’activité touristique et socio culturelle avec ses retombées économiques dans le cadre du commerce équitable.

    Voulez-vous nous parler des activités prises en charge ou assurées par l’association ?

    Nous avons trois écoles d’imzad : l’une à Tamanrasset et les deux autres à Ideless et Tintarabine. Donc en plus des activités journalières d’apprentissage, nous avons effectivement développé un programme bien planifié.
    L’action principale de l’Association reste la construction de la Maison internationale des artistes «Dar El Imzad». Elle a acheté un terrain de 10 000 m2 et a entrepris les travaux de construction avec la société COSIDER qui se charge de la réalisation. 
    Par ailleurs l’Association «Sauver l’imzad» a lancé l’opération d’enregistrement de tous les airs d’imzad, mais aussi d’autres genres musicaux comme le Tindi, la Tazamart, le Tazengharet et Isswet qui sont le blues du désert. Nous avons choisi de faire appel à des professionnels dans ce domaine. Pour la partie  enregistrement, mixage et arrangement, c’est Jean Alain Roussel, le réalisateur qui s’est fait aider par Billal Ziani. Pour la partie ethnomusicologie c’est le Professeur Pierre Augier qui a étudié l’imzad depuis plus de 40 ans qui nous aide pour ne pas dévier ou nous éloigner des sons primitifs de l’imzad.
    Nous sommes entrain de préparer les concerts de musiques ethniques qui se dérouleront à Matarés (à Tipaza), la troupe Imzad participera peut-être au Festival panafricain. Pour la fin de l’année, nous sommes entrain d’étudier la possibilité de lancer le deuxième colloque international d’imzad ou carrément «le festival des nuits touareg».

    L'imzad est-il menacé de disparition ?

    En 2003, il y avait 07 vieilles joueuses d’imzad,  aujourd’hui, en mars 2009, il n’en reste que 05 dans tout le Hoggar, dont une très malade et grabataire. Les quatre autres femmes sont âgées, mais elles demeurent vigilantes pour transmettre leur savoir aux jeunes filles de l’Association.

    Que faire pour préserver cette musique ?

    Lorsqu’on parle de tradition orale, de préservation et de sauvegarde d’un genre de patrimoine qui dépend non seulement de la mémoire mais aussi de la durée de vie de l’homme en général… la seule manière de le préserver est sans contestation la formation et l’enregistrement. Mais pour réussir l’ensemble de ces opérations, il faudra penser à prendre en charge ces vieux artistes qui sont de vrais trésors humains.
    Le ministère de la Formation professionnelle assure une paie pour 07 artistes (joueuses et poètes) de l’école de Tamanrasset, mais pour les écoles d’Ideless et de Tintarabine nous sommes obligés de courir les sponsors pour assurer un minimum de revenus pour ces personnes qui sont démunies.
    Comme vous voyez, au-delà de la préservation d’un patrimoine nous avons donné un élan culturel avec une valorisation identitaire certaine, mais c’est surtout un moyen de lutte contre la pauvreté.

    Combien reste-t-il de femmes qui jouent l'imzad
    ?

    Chez les Touaregs algériens, il reste cinq vieilles dans le Tassili de l’Ahaggar et dans le Tassili de N’Ajjer il ne reste que quatre joueuses reconnues comme étant de bonnes joueuses d’imzad.

    L'imzad est-il transmis aux nouvelles générations?

    L’école a ouvert ses portes en janvier 2004 et en mars 2005 une promotion de quarante élèves est sortie. Aujourd’hui, je peux vous affirmer qu’au niveau des trois écoles, nous avons près d’une trentaine de jeunes filles jouant d’imzad. Les meilleures jeunes joueuses reçoivent également un petit revenu pour les encourager à persévérer.

    Avez-vous des contacts avec les associations similaires à la vôtre opérant dans les pays du Sahel comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso ?

    Aucun contact, sauf avec le Docteur Mahaman Garba, directeur des arts et de la culture au ministère de la Culture au Niger. Nous l’avons invité au colloque international d’imzad que notre association a organisé en mars 2005 à Tamanrasset. C’est d’ailleurs à l’issu de ce colloque qu’il a été recommandé que notre association devienne Fondation pour pouvoir coiffer tous les pays limitrophes. Nous avons lancé le projet de reconversion sur le plan juridique mais nous n’avons encore rien déposé car, je ne vous le cache pas, nous ne savons pas comment faire.

    Que font les Etats sahélo-sahariens pour la préservation de l'imzad ?

    En réalité la préservation de l’imzad n’est pas faite dans un cadre scientifique avec un programme déterminé et une planification dans le temps.
    En plus d’un programme, il faut des moyens et au-delà des moyens il faut beaucoup d’amour et de passion pour trouver ces moyens.
    Dans les états sahélo-sahariens, que ce soit au Mali ou au Niger des écoles nomades ont été créées avec quatre ou cinq élèves par campement, je ne peux vous en dire plus car l’information ne circule pas.
    D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle nous sommes entrain d’élaborer le dossier juridique pour que l’Association devienne Fondation et la nécessité de trouver des sponsors pour la réalisation du projet de construction de la Maison internationale des artistes qui a été lancé sous le haut patronage de son excellence le président de la République. 

    M.A.H


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  • Réactions à chaud de la chanteuse Ldjida sur cet hommage.

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  •  Chérifa et Ldjida tamectuht. Deux grandes dames de la chanson Kabyle. Elles ont été jeudi dernier en haut de l'affiche. Un vibrant hommage leur a été rendu au sein de l'établissement Arts et Culture d'Alger. L'espace Casbah du centre culturel Laadi Flici était plein comme un œuf. Des  centaines d'amis, de fans et de spectateurs ont fait le déplacement, malgré le mauvais temps, pour rendre un hommage bien mérité à ces deux chanteuses qui ont marqué de leur empreinte la chanson traditionnelle kabyle.
    Plusieurs artistes des deux sexes (chanteurs, musiciens, auteurs, comédiens etc.) se sont relayés au micro pour apporter leurs témoignages – raconter une anecdote, un souvenir, une histoire -- sur les deux chanteuses.
    Il y avait, entre autres, Zouhir Abdellatif, ancien directeur de la radio (chaîne 2), Djamila (chanteuse et comédienne), Anissa Mezaguer, (chanteuse et comédienne), Saïd Hilmi (comédien), Saïd Zanoun (auteur de pièces de théâtre radiophonique), Youcef Sahnouni (chanteur), Abdelmadjid Bali (ancien producteur et animateur à la chaîne 2), Nadia Baroud (chanteuse), Medjahed Hamid (compositeur-chanteur), Mohamed Lamari (chanteur) et bien d'autres artistes.
    « C'est fabuleux. Je n'ai jamais imaginé un jour voir, toucher, et discuter avec ses deux grandes chanteuses. Je ne les ai jamais vu de près auparavant. Je ne connaissais d'elles que leurs chansons, leurs belles mélodies, grâce à mes grandes sœurs », dira une jeune fille âgée d'environ 25 ans.
    Chérifa, Ldjida font partie de cette poignée de femmes kabyles qui ont décidé, un jour, de foutre en l'air les tabous et les interdits de la société pour se lancer, dès les années 40 et 50, corps et âme dans la chanson.
    A L'époque, même les hommes n'osaient pas avouer à leurs familles qu'ils chantaient. Ils se cachaient derrière des pseudonymes, des « noms de guerre » en quelque sorte, comme nous le confiera un jour le défunt chanteur cheikh Nourredine.
    Le rendez-vous de jeudi s'était terminé sur une chanson de Chérifa, reprise en chœur par les autres chanteurs, les musiciens et le public. Un après-midi artistique inoubliable.



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  • Extrait du concert de chants organisé jeudi 29 janvier 2009 en hommage au défunt chanteur Brahim Izri.


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  • Zouvga  est un petit village situé à environ 70 km à l'est de Tizi Ouzou. Il est accroché, comme beaucoup d'autres villages de Kabylie, sur le flan d'une montagne, dans la commune d'Illilten, juste après celle d'Iferhounen. C'est un village pas comme les autres. Un village modèle du point de vue propreté, grâce à l'abnégation et la détermination de ses quelques 1.300 habitants : ruelles escarpées dallées de pierre noire, poubelles collectives installées à chaque coin de rue, de l'eau potable ramenée de très loin, un petit engin de travaux publics pour le ramassage des ordures ménagères, un tableau d'affichage installé sur l'un des murs de la placette du village, un taxiphone, une crèche, réalisation de plusieurs projets collectifs d'intérêts communs... Tout ça a été fait grâce aux dons, cotisations et esprit de solidarité des villageois.  C'est le sujet de notre prochain reportage dans ce blog.

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