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Alger : contours d’une future ville moderne
Il y a l’air, il y a la musique. Parfois, les deux ne sont pas sur le même tempo, sur la même gamme. C’est le cas pour le plan stratégique de développement d’Alger. Il y a une fausse note entre le plan et le travail réalisé sur le terrain. Les travaux portant sur la rénovation des immeubles et la réfection des trottoirs sont « artistiquement » bien bâclés, parfois inachevés. A la rue Mourad Didouche (ex-Michelet), principale artère de la ville (près du cinéma Algeria), le trottoir de droite est dallé tandis que celui de gauche est bitumé. Ce que prévoit le Plan…
Le projet semble être bien ficelé. Du moins sur le papier. Son intitulé : Plan stratégique de développement d’Alger. Sa réalisation s’étalera sur 28 ans, de 2011 à 2029. L’objectif est de donner à la capitale algérienne, qui compte au bas mot 3,5 millions d’habitants, les contours d’une ville moderne où il fera bon vivre, attractive aussi bien pour ses habitants que pour des artistes, touristes et autres éventuels investisseurs. Une cité du 21ème siècle, qui s’inscrit dans la nouvelle géographie des métropoles mondiales qui est en train de se dessiner, selon les promoteurs de ce plan adopté par le gouvernement en 2011.Evidemment, le projet ne consiste pas seulement à procéder à la réfection des trottoirs, au badigeonnage des façades des immeubles décrépits, à repeindre les passages protégés des artères, à nettoyage les espaces publics et à réaménager les jardins. Ces opérations sont utiles et nécessaires. Mais le programme est beaucoup plus ambitieux que ces travaux d’embellissement. Il vise une totale transformation d’Alger, une restructuration et une requalification de la ville et de sa périphérie. Un passage obligé pour lui permettre de devenir un centre d’activités à valeur ajoutée dans les secteurs du commerce, de la finance, de l’immobilier, du tourisme, des télécoms, des technologies et dans bien d’autres domaines. C’est du moins l’objectif assigné à ce vaste plan.
La réalisation, loin de la ville, d’un nouveau port en eaux profondes, l’aménagement des berges de la baie d’Alger que la nature a façonné en forme de fer à cheval, l’augmentation des capacités d’accueil en passagers et en appareils de l’aéroport, la construction de plusieurs infrastructures culturels et sportives dans la périphérie de la ville, le développement du réseau ferroviaire et des autres moyens de transports (terrestres, aériens et maritimes) s’inscrivent dans cette optique. Ils devraient faire d’Alger un important hub, estiment les responsables de la ville.
Les transformations sont déjà en cours, visibles, au niveau de la façade maritime de la wilaya (département) qui s’étend sur une cinquantaine de kilomètres, de Cap Caxine à l’ouest jusqu’au Lac de Reghaïa à l’est. Les petits ports de plaisance et les plages situés sur la baie d’Alger sont en travaux. C’est le cas de la plage et du petit port de Raïs Hamidou (ex-Pointe Pescade), à l’ouest de la ville, et des plages fétiches de R’mila, d’El-Kettani et de Qaâ Sour, dans le quartier populaire de Bab El-Oued. L’ancien site touristique de la pêcherie, qui abrite de nombreux restaurants spécialisés dans le poisson et les fruits de mer, situé en plein cœur de la ville, connaîtra, lui aussi, de gros aménagements. Ce qui lui permettrait de retrouver ses lettres de noblesse d’antan.
La réhabilitation et la sauvegarde du Vieil Alger, la Casbah, figurent dans ce nouveau plan d’aménagement d’Alger. C’est aussi le cas pour tous les quartiers de la ville. Les dizaines de salles de cinémas abandonnées, livrées aux rats depuis de longues années vont être réhabilitées. Le centre de la capitale est sens dessus-dessous. Des travaux portant sur la réfection des bâtiments et des trottoirs, l’installation de nouvelles conduites de gaz et d’électricité ainsi que la réparation et le changement des conduites des eaux usées et de pluie sont en cours.
Autrefois fréquentés par quelques téméraires pêcheurs à la ligne et des marginaux, les berges des « Sablettes », où Charles-Quint avait perdu la moitié de la sa flotte et de ses hommes en 1541 pour cause de tempête, ont complètement changé de look. Elles constituent aujourd’hui un lieu d’attraction et de distractions pour des familles algéroises. Complantés de palmiers, le site offre aux visiteurs une promenade longue de plus de 3,5 km sur les bords de la Méditerranée, des pistes de footing, des terrains de sports, des espaces de détente et de repos ainsi que différents aires de jeux pour enfants : toboggans, balançoires, trampolines etc.Les « Sablettes » drainent aussi des familles des villes et villages des régions limitrophes de Boumerdès et Blida. Leur proximité avec la gare routière et la station des taxis inter-wilayas (interdépartementaux) y est pour beaucoup dans la grande affluence des visiteurs. Elles ne sont pas loin non plus de la future Grande mosquée d’Alger en construction et du Musée de l’Afrique en projet. Les « Sablettes » semblent faire partie du futur quartier culturel et artistique d’Alger. Celui-ci doit réunir le quartier de Riadh El-Feth qui abrite le monument aux morts de la guerre d’indépendance, deux Musées dédiés à la même période ainsi que diverses infrastructures culturelles et commerciales, le Bois des Arcades sous lequel blottissent les restaurants huppés d’Alger, une superbe villa mauresque connue sous le nom de Dar Abdeltif transformé de 1907 à 1962, durant la période coloniale, en Villa Médicis, le Musée national des beaux-arts et la Bibliothèque nationale d’Algérie.
La grotte de Cervantès se trouve dans le même périmètre. Captif pendant cinq ans, de 1575 à 1580, des Corsaires turcs qui avaient mis main basse sur Alger, l’auteur de Don Quichotte de la Manche et de La vie à Alger, Miguel de Cervantès de Saavedra, s’y était réfugié dans l’espoir, vain, d’échapper à ses geôliers.
L’autre projet phare du Plan stratégique de développement d’Alger, le plus lourd en matière d’investissement (38 milliards de DZ) concerne la dépollution de l’oued El-Harrach et l’aménagement de ses berges sur environ 18 kilomètres. Les travaux ont démarré. Ils portent sur l’épuration de ses eaux, la réalisation de jardins avec des allées ombragées, l’aménagement de pelouses, de promenades, de pistes cyclables, de parcours de jogging, d’aires de jeux, de plages artificielles, d’espaces de loisirs et de détente.
Mais, en attendant la réalisation de tous ces projets, dont la concrétisation est liée à l’évolution du baril de pétrole, Alger-la-blanche offre déjà au visiteur une multitude de monuments historiques, de sites touristiques et de curiosités qui méritent un détour. Celui qui vadrouille une seule fois à travers ses artères et quartiers « garde en lui un inoubliable souvenir et un ardent désir de le revoir », soulignait, déjà en 1860, Charles Dubois, dans une « Notice sur Alger ». Ce jugement est valable aujourd’hui. Le touriste ou le visiteur est surpris, à chaque coin de rue, à chaque détour par une statue, une sculpture, une figurine, une belle façade ornée de stucs, un portique, un bout de balcon agrémenté de faïences ou une porte d’entrée ciselée d’un immeuble. Alger est un véritable Musée à ciel ouvert, mais ignoré par les promoteurs touristiques locaux et étrangers. Il était classé, entre le milieu du 19ème et les deux premières décennies du 20ème siècle, parmi les meilleures villes d’hivernage, accueillant des milliers d’Européens, dont des Anglais a qui on doit la construction de plusieurs superbes villas néo-mauresques, encore debout, sur les hauteurs de la cité, notamment du côté des quartiers du Télemly, du Palais du Peuple et d’El-biar.
Il est vrai que l’Algérie est l’un des rares pays des berges de la Méditerranée à avoir délaissé l’activité touristique qui se décline pourtant en trois formules et sur toute l’année : balnéaire, saharienne et climatique. Beaucoup reste à faire pour placer le pays sur les tablettes des destinations touristiques.
M.A. Himeur
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