• Musique targuie: faites l’imzad et non la guerre…


    Par Mohamed Arezki Himeur

    Le Cap, revue bimensuelle, Alger

    L’imzad est à la fois un instrument et un genre musical. Etymologiquement, le terme imzad signifie cheveu chez les Touaregs et anzad chez les Berbères du nord. La musique imzad est exécutée à l’aide d’un instrument qu’on appelle imzad. Le terme désigne donc la musique et l’instrument avec laquelle elle est jouée.

    Sur plan fonctionnel, l’imzad est composé de deux parties, l’une matérielle et l’autre immatérielle. La partie matérielle est composée d’une calebasse vidée et séchée au soleil, d’une peau séchée également servant à couvrir la calebasse pour en faire une caisse de résonance, un manche qui lui donne l’aspect d’un violent, un chevalet et des crins de cheval qu’on appelle imzad.

    Les crins de cheval sont choisis selon un critère de sélection bien défini. Le cheval doit être jeune, ni vieux ni trop jeune. Les crins doivent être extraits du milieu de la queue du cheval. C’est les plus fermes. Car les crins du bas de la queue, très jeunes, ne sont pas solides et ceux d’en haut sont vieux et sont sujet à effritement. Cà, c’est la partie physique et matérielle de l’imzad.

    L’autre partie, c’est les mélodies et les poèmes. Les mélodies sont jouées exclusivement par les femmes, tandis que les poèmes et les chants sont déclamés ou chantés par les hommes. Chaque air à un nom. Il est joué à l’occasion d’un événement, pour célébrer un fait important lié à la vie de la société touarègue.
    Les femmes jouent de l’instrument et les hommes les accompagnent en déclamant des poèmes.
    Les thèmes dominants dans la musique de l’imzad sont liés à la femme, à la beauté, l’amour, la bravoure, le pays, le retour au campement etc.

    Pour donner une illustration sur ce que revêt l’imzad pour les Touaregs, l’anthropologue Dida Badi, rappelle cette légende qui fonde, selon lui, l’imzad. Cette légende dit que dans l’ancien temps, il y avait le désordre, les hommes dominaient. C’était un monde d’hommes, un monde masculin. Et les hommes se faisaient sans cesse la guerre, pour n’importe quoi. C’était le seul langage qu’ils connaissaient.
    Un jour, pendant qu’ils se livraient bataille, que les épées parlaient et que le sang coulait pour le contrôle d’une source d’eau -et on sait l’importance que représente l’eau dans le Sahara-, les femmes, outrées par le comportement des mâles, ont décidé de mettre fin à cette violence créée et entretenue par les hommes. Elles ont inventé l’imzad : l’instrument et la musique.

    Lors de cette bataille, une femme avait mis ses plus beaux atours et, assise derrière une dune de sable non loin du centre des hostilités, s’était mise à jouer de l’imzad.
    Eblouis par les mélodies sortant de derrière la dune, les guerriers ont lâché leurs sabres et épées sur le sable et couru vers la source du son envoûtant qui parvenait à leurs oreilles. Ils se sont assis autour de la femme et, de guerriers intraitables et sanguinaires qu’ils étaient il y avait quelques instants, les hommes étaient devenus, en l’espace de quelques minutes et de belles mélodies, des poètes. La femme jouait de l’instrument et eux l’accompagnaient en déclamant de la poésie. Cette image confirme, si besoin est, que, depuis la nuit des temps, la musique adoucit bel et bien les moeurs.

    Depuis ce jour, les femmes ont repris l’initiative et ont imposé la paix aux hommes. Et comme les femmes jouent et louent les gestes et les faits des hommes, ceux-ci évitent de faire ce qui risque de déplaire aux femmes, comme la guerre par exemple. Car ce sont elles, les femmes, qui décident si tel geste est bon et tel fait est mauvais. Comme les deux actions sont gravées pour la postérité, les hommes sont, indirectement, incités à ne faire que de beaux actes pour que leurs noms soient inscrits dans la colonne des braves et non dans celle des lâches et des félons. 

    M.A. H.

     


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